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Too big to fail

Le Financial Stability Board rend son second rapport

Le Financial Stability Board (FSB) salue les progrès de la Suisse sur la mise en œuvre des règles « Too Big To Fail » (TBTF), tout en soulignant qu’il reste du travail. Son second peer review report du 29 février 2024 porte sur la période 2022-2023 et vise les banques d’importance systémique (systemically important banks, SIBs) actives au niveau international.

Les dix recommandations que le FSB formule peuvent être résumées comme suit :

  1. Augmentation des ressources de la FINMA sur les plans quantitatifs et qualitatifs : outre l’augmentation de la taille des équipes, le FSB préconise un renforcement de l’expertise pour affronter les défis à venir.
  2. Renforcement et élargissement des outils de surveillance à disposition de la FINMA : le FSB suggère (i) l’introduction d’un senior managers regime (cf. p. 30 pour la notion), (ii) l’octroi du pouvoir de publier ses procédures d’enforcement et (iii) la mise en œuvre d’un cadre d’intervention précoce par des mesures appropriées. Le remplacement du conseil d’administration ou la nomination d’un administrateur provisoire relèvent entre autres de telles mesures.
  3. Réexamen par la FINMA de son mécanisme de recours à des sociétés d’audit externes pour la surveillance des banques : le FSB relève que la peur de compromettre d’éventuels futurs mandats pourrait dissuader les auditeurs externes de signaler à la FINMA les faiblesses qu’ils auraient identifiées au sein des banques contrôlées.
  4. Plan de stabilisation (recovery plan) : le FSB propose un renforcement des pouvoirs d’évaluation de la crédibilité et de la faisabilité des plans de stabilisation. L’art. 64 OB constitue la base légale en Suisse. La FINMA devrait élaborer une politique générale sur la préparation d’un tel plan.
  5. Plan de liquidation (resolution plan) : le FSB recommande un renforcement du fondement juridique permettant à la FINMA, dans l’élaboration du plan de liquidation, d’exiger des SIBs qu’elles modifient leurs pratiques commerciales, leur structure ou leur organisation afin de remédier à un obstacle important à la resolvability (capacité d’assainissement et de liquidation).
  6. Resolvability : la FINMA doit publier de plus amples informations sur les attentes auxquelles les SIBs sont soumises en matière de resolvability et améliorer la préparation à l’assainissement et la liquidation.
  7. Clarification des critères d’insolvabilité (art. 25 LB) : La FINMA doit être en mesure d’agir lorsqu’une entreprise s’approche du « point of non-viability ».
  8. Introduction d’un mécanisme de public liquidity backstop (PLB) (cf. p. 34 pour la notion) dans le cadre législatif suisse.
  9. Renforcement des dispositifs de liquidités contingentes : le FSB préconise que les autorités suisses veillent à ce que les SIBs évaluent et préparent, tant sur le plan opérationnel que juridique, leur capacité à offrir des garanties suffisantes à la BNS et aux autres banques centrales.
  10. Réduction de la stigmatisation : le FSB suggère un renforcement de la capacité des autorités à aider à la stabilisation d’une banque en difficulté en minimisant le risque de stigmatisation lié à l’accès aux facilités de liquidité octroyé par la BNS, notamment en retardant la divulgation au public de toute information en lien avec l’aide de la BNS.

Quatre des dix recommandations précitées ne sont pas tout-à-fait nouvelles. Lors du premier peer review report de 2012, le FSB suggérait déjà à la Suisse de renforcer la capacité de surveillance de la FINMA. Le Fonds Monétaire International préconisait aussi dès 2019 la mise en œuvre d’un cadre d’intervention précoce.

Par ailleurs, une partie des recommandations du FSB rejoint les enseignements que tirait la FINMA dans son rapport du 19 décembre 2023 au sujet de la crise de Credit Suisse (pour une analyse de ce rapport, cf. Liegeois, cdbf.ch/1315). La FINMA y réclamait notamment l’instauration d’un senior managers regime, l’octroi d’une compétence de prononcer des amendes et la possibilité de communiquer ouvertement sur des procédures d’enforcement. Le rapport du FSB vient ainsi appuyer cette prise de position. En somme, la FINMA ne dispose pas encore de pouvoirs suffisants pour répondre aux problèmes TBTF.

La recommandation n°8 est déjà en cours de mise en œuvre. Le Conseil fédéral a en effet adopté le message relatif à l’introduction dans le droit ordinaire d’un mécanisme PLB pour les SIBs. Ce mécanisme a déjà été utilisé lors de l’adoption de l’ordonnance de nécessité le 16 mars 2023 (Credit Suisse). La banque a pu obtenir auprès de la BNS un prêt d’aide de 100 milliards de francs sous forme de liquidités, garanti par la Confédération. Cette assistance n’a toutefois pas suffi à rétablir la confiance.

Le fait qu’UBS figure désormais en tête des SIBs à l’échelle mondiale selon le leverage ratio exposure de Bâle III (instrument permettant de mesurer la taille d’une banque par rapport au PIB) représente à la fois une opportunité et un danger majeur pour la Suisse. Notre petit pays se retrouve en effet face à un établissement TBTF qui pourrait se révéler « Too Big To Be Rescued ». Son sauvetage dépasserait potentiellement les capacités financières de l’État. Il importe donc de se livrer à une introspection approfondie afin de prendre les mesures adéquates.