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Rétrocessions

Renonciation valable en cas de fourchettes par catégorie de produit

Le Tribunal fédéral, dans son arrêt 4A_574/2023, 4A_576/2023 du 24 mai 2024, confirme un jugement du Handelsgericht de Zurich (HG210069-O), précisant les conditions pour qu’une renonciation à la restitution des rétrocessions soit valable hors gestion de fortune.

Le Handelsgericht avait laissé ouverte la question de savoir si la relation entre les parties relevait du conseil en placement ou d’un simple compte/dépôt, puisque dans les deux cas, la banque devait restituer les rétrocessions. Le Tribunal fédéral, dans son arrêt, ne se prononce pas sur l’obligation de restitution des rétrocessions par la banque dans le cadre d’un rapport execution only ou de conseil, car la banque a admis cette obligation de principe.

Les clauses de renonciation aux rétrocessions contenues dans les conditions générales de 2011 (CG 2011) et un formulaire relatif au contrat de conseil prévoient notamment que le montant des rétrocessions dépend, en règle générale, du type de transactions et d’investissements effectués pour le client ainsi que de la fréquence de réinvestissement des actifs. La banque fournit des détails sur les rétrocessions pour des instruments financiers spécifiques sur demande écrite du client. Les rétrocessions reçues par la banque peuvent s’élever à un montant compris entre 0 % et 5 % des actifs sous gestion moyens par an.

Les conditions générales de 2014 (CG 2014) précisent que les rétrocessions périodiquement perçues par la banque varient entre les pourcentages suivants par an des investissements pertinents détenus par le client :

  • Fonds du marché monétaire : 0 – 0,50 %
  • Fonds d’investissement en obligations : 0 – 0,50 %
  • Fonds d’investissement en actions : 0 – 0,50 %
  • Fonds d’investissement alternatifs : 0 – 0,75 %
  • Produits structurés : non applicable
  • Transactions boursières : non applicable

Le Handelsgericht a jugé que la clause des CG 2011 ne fournissait pas la valeur de référence appropriée pour un contrat de conseil ou de services execution only. De plus, il a estimé que la fourchette de 0 % à 5 % était trop large et imprécise pour permettre au client d’évaluer correctement le coût total et de déterminer si la banque se trouve en situation de conflit d’intérêts. Le Tribunal cantonal a ensuite retenu que la clause des CG 2014 fournissait des valeurs de référence techniques suffisantes des accords de rétrocessions existants avec des tiers, tout en indiquant que, dans le cas du contrat de conseil en placement ou de simples relations de compte/dépôt, la valeur du placement du client concerné constituait une valeur de base appropriée. La répartition en différentes catégories de placement et l’indication de fourchettes de pourcentage comprises entre 0 et 0,75 % pour chaque catégorie permettaient au client de calculer assez précisément l’ordre de grandeur de la rétrocession perçue par la banque pour une transaction qu’il avait ordonnée.

Le Tribunal fédéral retient tout d’abord que le client ne démontre pas qu’il n’est pas possible de calculer les rétrocessions avec les indications fournies par la banque dans les CG 2014. Ensuite, notre Haute Cour considère que, contrairement à la gestion de fortune, il n’existe pas, dans le cadre du conseil en placement ou de la simple relation de compte/dépôt, de fortune gérée qui pourrait être utilisée comme valeur de référence. Dans la mesure où, dans une telle relation, le client ordonne lui-même les transactions, les principes applicables à la gestion de fortune ne peuvent pas s’appliquer sans autre examen. Les autres arguments du recours sont hors sujet, le recourant ne s’étant contenté que de se référer à la jurisprudence relative au contrat de gestion.

Les considérants du Tribunal fédéral sont quelque peu sommaires, en raison des lacunes présentes dans les arguments et la motivation du recours dans cette affaire à faible valeur litigieuse (CHF 32’490) et de la volonté de notre Haute Cour de ne pas se prononcer de manière plus étendue que nécessaire. Les observations suivantes peuvent cependant être formulées à propos de cet arrêt :

  1. Le Tribunal fédéral confirme l’approche de plusieurs tribunaux cantonaux qui appliquent des règles distinctes selon les types de relations contractuelles pour juger de la validité de la renonciation (cf. Obergericht de Zurich NP230015-O/U du 12 juillet 2023 ; Handelsgerichts de Berne HG 22 21 du 6 septembre 2023 et la décision de recours TF 4A_496/2023 du 27 février 2024, résumé in : Fischer, cdbf.ch/1338 ; Handelsgericht de Zurich HG190234-O du 5 octobre 2021).
  2. Il est décisif de savoir si le mandant peut estimer ou non combien le mandataire gagne, respectivement combien ses services lui coûtent. Cela doit faire l’objet d’un examen au cas par cas (cf. c. 6 et également ATF 137 III 393 du 29 août 2011, c. 2.5, résumé in : Fischer, cdbf.ch/773 ; arrêt du Handelsgericht de Zurich HG190234-O du 5 octobre 2021, c. 3.2). Selon nous, les fourchettes par catégorie de produits ne sont pas suffisantes si le client n’a pas également reçu la grille tarifaire des frais de transactions car le client doit pouvoir saisir l’ampleur des rétrocessions attendues et les comparer aux honoraires convenus (cf. ATF 137 III 393, c. 4).
  3. En vertu de l’effet de rayonnement de la LSFin sur le droit civil, il convient de distinguer le conseil en placement lié à des transactions isolées du conseil en placement basé sur un portefeuille. En lien avec l’art. 26 LSFin, la FINMA considère que pour le conseil en placement lié à des transactions isolées (art. 11 LSFin) et les relations execution only, il suffit d’indiquer des fourchettes pertinentes par catégorie de produit. En gestion de fortune et conseil en placement basé sur un portefeuille (art. 12 LSFin), il faut également informer sur la fourchette de rémunération selon la valeur du portefeuille (fortune déposée) et la stratégie de placement convenue (cf. Rapport explicatif sur le projet de circulaire FINMA « Règles de comportement selon la LSFin et l’OSFin », p. 19).