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Violation du devoir d'annonce de l'art. 20 LBVM : décision de non-lieu dans l'affaire "Feldschlösschen"

Le 19 novembre 2003, le Département fédéral des finances (« DFF ») a rendu une décision de non-lieu dans le cadre de l’enquête menée contre trois actionnaires de la société REG Real Estate Group pour violation de l’obligation d’annonce de l’art. 20 LBVM. La décision est entrée en force.
Les faits remontaient au début de l’année 2001. A cette époque, REG Real Estate Group portait encore la raison sociale Feldschlösschen-Hürlimann Holding AG (« Feldschlösschen »). Le 26 février 2001, Feldschlösschen avait annoncé un projet de fusion avec la société immobilière Swiss Prime Site AG (« SPS »). Le projet avait cependant été critiqué comme avantageant indûment les actionnaires de SPS au détriment de ceux de Feldschlösschen. Lors d’une assemblée générale tenue le 21 mai 2001, les actionnaires de Feldschlösschen avaient finalement rejeté le projet de fusion et – sur proposition d’un actionnaire – élu cinq nouveaux administrateurs. Cette élection avait suscité la démission en bloc du conseil d’administration alors en fonction.
Le DFF avait décidé d’enquêter sur une éventuelle violation de l’obligation d’annonce des participations importantes de l’art. 20 LBVM après que la CFB lui eut dénoncé le cas. La CFB soupçonnait trois actionnaires de Feldschlösschen d’avoir secrètement coopéré pendant plusieurs mois pour faire échouer une fusion entre Feldschlösschen et SPS, d’une part, et pour prendre le contrôle de Feldschlösschen lors de l’assemblée générale du 21 mai 2001, d’autre part. La CFB pensait que les actionnaires concernés avaient agi de concert, sans toutefois avoir annoncé leur participation dans Feldschlösschen sur une base consolidée comme l’aurait requis l’art. 20 LBVM. La CFB était également parvenue à la conclusion que l’omission était intentionnelle, et que l’infraction définie à l’art. 41 al. 1 lit. a LBVM était donc réalisée.
Le DFF a considéré que, malgré la présence d’indices dans ce sens, la preuve d’une action concertée n’avait pas pu être apportée. Il a par conséquent prononcé un non-lieu. La décision du DFF est intéressante à plusieurs titres :
D’abord, les décisions en matière d’obligation d’annonce sont peu fréquentes. Selon les rapports annuels de l’Instance pour la publicité des participations du SWX (« IPP »), sur les 201 cas que l’Instance pour l’IPP a dénoncé à la CFB entre début 2000 et fin 2002 pour manquement possible à l’art. 20 LBVM, deux seulement ont été transmis au DFF pour ouverture d’une enquête pénale.
Ensuite, la décision Feldschlösschen aborde la question très délicate en pratique de l’action de concert. Elle cherche en particulier à préciser la frontière souvent difficile à tracer entre actions parallèles et concertées. Le thème est d’actualité, car une décision du Tribunal fédéral sur la même question est attendue dans le cadre de l’affaire Quadrant, où la COPA et la CFB ont considéré que les principaux actionnaires de la société Quadrant AG avaient acquis de concert plus du tiers des droits de vote de la société en octobre 2000, et auraient par conséquent dû présenter une offre aux actionnaires minoritaires de la société en application de l’art. 32 LBVM.
Enfin, la décision Feldschlösschen est particulièrement remarquable du fait des considérations d’opportunité qu’elle contient. Le DFF y suggère que l’existence d’un concert ne doit être admise qu’avec retenue dans le contexte de votations ou d’élections à une assemblée générale. Cette politique se justifierait par le souhait de ne pas affaiblir la position des actionnaires à l’égard du conseil d’administration, et donc par le besoin de garantir un gouvernement d’entreprise de qualité.