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Gouvernement d'entreprise : deux recommandations de la Commission européenne et leur impact potentiel pour la Suisse

La Commission a adopté le 6 octobre 2004 deux recommandations en matière de gouvernement d’entreprise. Ces deux actes, qui n’obligent ni les Etats membres, ni les particuliers, ont pour objectif d’harmoniser de manière souple les standards applicables, d’une part, à la rémunération des administrateurs et des dirigeants et, d’autre part, au rôle des administrateurs indépendants. Ils peuvent aussi concerner les société suisses, soit directement avec l’entrée en vigueur de la directive sur les prospectus s’agissant des émetteurs cotés au Virt-x, soit en tant que standards internationalement reconnus qui doivent être respectés par le droit boursier suisse.
La première recommandation invite les Etats membres à adopter une série de dispositions à l’intention des sociétés cotées relatives au rôle des administrateurs non exécutifs et des membres de conseil de surveillance. Elle laisse les différentes juridictions mettre en œuvre les mesures préconisées par voie législative ou par une approche comply or explain.
Sur le fond, le juriste helvétique reconnaîtra de nombreux points communs avec le Code suisse de bonne pratique. C’est en matière d’indépendance que la recommandation innove. Après une définition classique de l’indépendance, elle décrit dans une annexe les circonstances donnant lieu à croire à l’existence d’un conflit d’intérêts marqué et c’est le détail de cet inventaire qui est sans nul doute l’aspect le plus controversé. La recommandation va ainsi à l’encontre de nombreuses pratiques, certes discutables, mais très répandues dans divers Etats européens, s’attaquant notamment au passage quasi-automatique du directoire au conseil de surveillance et préconisant un nombre maximal de renouvellement de mandats. Elle tempère toutefois ces exigences en laissant au conseil d’administration ou de surveillance le soin de trancher au cas par cas, en renforçant ou assouplissant, ses attentes.
La deuxième recommandation de la Commission européenne concerne la rémunération des membres des organes d’administration, de direction et de surveillance de sociétés cotées. Elle invite les Etats membres à obliger les émetteurs à publier une déclaration sur la politique de rémunération. De plus, elle exige la divulgation détaillée de la rémunération individuelle de chaque administrateur et dirigeant social. Ces standards vont donc plus loin que les exigences de la directive SWX sur le gouvernement d’entreprise et même que le projet de révision du code des obligations.
L’aspect le plus innovateur de cette recommandation se rapporte au droit de vote des actionnaires : elle exige en effet que l’assemblée générale se prononce tant sur la politique de rémunération que sur le détail de tout régime d’intéressement basé, directement ou indirectement, sur des actions, ce que le rapport intermédiaire du groupe de travail « gouvernement d’entreprise » n’avait pas évoqué pour la Suisse.
Sans entrer dans le débat de fond, ces deux recommandations devraient donc inviter tant le groupe de travail « gouvernement d’entreprise » que les chambres fédérales qui débattent actuellement de la révision du code des obligations précitée à s’interroger sur le caractère adéquat de la réglementation suisse dans ce domaine. En effet, se justifie-t-il de poursuivre un Alleingang laxiste dans ce domaine, alors que la réputation des entreprises suisses dans le domaine est loin d’être parfaite ? En tout cas, la question mérite d’être débattue.