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Clause de banque restante et abus de droit : confirmation de jurisprudence

Dans un arrêt du 30 mai 2005 (4C.378/2004), non destiné à la publication, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de rappeler sa jurisprudence relative aux conséquences d’une clause dite de banque restante. Dans l’affaire qui lui était soumise, et sans entrer dans le détail de l’état de fait, le titulaire d’un compte bancaire agissait en paiement contre sa banque pour des montants dont il estimait avoir été indûment débité. Les virements litigieux (au nombre de 322 au total) avaient été effectués sur une période de plus de 10 ans et avaient tous fait l’objet d’avis de débit communiqués banque restante, conformément à ce qui avait été convenu dans la documentation contractuelle de la banque. Le client, qui n’avait jamais consulté son courrier bancaire, soutenait que la banque abusait de son droit en invoquant la fiction de la réception liée à la clause banque restante.
Le Tribunal fédéral a rappelé les principes qui s’appliquent en matière de clause dite de banque restante : lorsqu’une banque accepte de conserver par devers elle les avis qu’elle adresse à son client, ses communications sont opposables à ce dernier comme s’il les avait effectivement reçues. De même, le client qui adopte ce mode de communication est censé avoir pris connaissance immédiatement des avis qui lui sont adressés de cette façon. Par ailleurs, le client qui reçoit, ou est réputé avoir reçu, de sa banque l’avis qu’une obligation a été exécutée d’une certaine manière est soumis à la règle (découlant des art. 2 al. 1 CC et 6 CO) selon laquelle son silence vaut ratification de l’acte accompli si les circonstances exigent qu’il réagisse en cas de refus ou de désaccord. D’où le risque que prend le client lorsqu’il choisit le mode de communication « banque restante ».
Une application stricte de cette fiction peut cependant conduire dans certaines circonstances à des résultats choquants. C’est pourquoi le Tribunal fédéral a apporté un tempérament à la fiction de la prise de connaissance des avis communiqués banque restante en considérant qu’une situation manifestement contraire à l’équité pouvait être sanctionnée au titre de l’abus de droit (art. 2 al. 2 CC). C’est ainsi que notre Haute Cour a déjà eu l’occasion de juger que tel est le cas lorsque la banque profite de la fiction de la réception du courrier pour agir sciemment au détriment du client, ou lorsque, après avoir géré un compte pendant plusieurs années en suivant les instructions orales du client, elle s’en écarte intentionnellement alors que rien ne le laissait prévoir, ou encore lorsque la banque sait que le client n’approuve pas les actes communiqués en banque restante.
Les circonstances du cas d’espèce n’étaient toutefois pas de nature à conduire le Tribunal fédéral à admettre le caractère inéquitable d’une application stricte de la fiction de la réception des avis de virement. En effet, le client, on l’a souligné, n’avait pas consulté son courrier détenu banque restante pendant près de 15 ans, ce qui était propre à créer une situation à risque ; de plus, aucun élément n’indiquait que la banque savait que le client n’approuvait pas les virements litigieux ; enfin, il n’existait pas non plus d’indice tendant à démontrer que la banque avait agi sciemment au détriment de son client. Le client s’est donc, sans surprise, vu débouté de ses conclusions.
Au vu du risque considérable encouru par le client en cas de clause de banque restante, ce dernier devrait veiller à relever, ou faire relever, régulièrement son courrier s’il ne veut pas se voir imputer une acceptation tacite d’une obligation mal exécutée. Quant aux banques, et ce en dépit de cette jurisprudence du Tribunal fédéral qui leur est favorable, elles devraient, selon nous, renseigner clairement leurs clients sur les conséquences juridiques résultant de l’usage d’une telle clause.