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Réserve de propriété sur un bien importé en Suisse : confirmation de jurisprudence

Dans un arrêt publié récemment (ATF 131 III 595), le Tribunal fédéral a confirmé une jurisprudence déjà ancienne en matière de réserve de propriété : l’inscription au registre des pactes de réserve de propriété (art. 715 al. 1 CC) est une exigence qui relève de l’ordre public ; il en résulte qu’une réserve constituée à l’étranger (en l’occurrence, en Autriche) doit être dûment inscrite en Suisse si les biens y sont par la suite importés (et n’y séjournent pas de façon purement temporaire) ; à défaut, la réserve de propriété cesse de produire ses effets trois mois après l’entrée des biens en Suisse, ainsi que le prévoit l’art. 102 al. 2 LDIP.
Cet arrêt applique un principe établi et difficilement contestable (mais parfois critiqué en doctrine). Simultanément, il illustre la modernité et l’archaïsme du droit suisse en la matière. Modernité, car en posant (depuis 1912) l’exigence de l’inscription dans un registre, il est en phase avec la tendance que l’on peut observer à l’échelon international, où de nombreux pays s’efforcent d’introduire une sûreté mobilière sans dépossession moyennant inscription dans un registre. Archaïsme, car le registre des pactes de réserve de propriété n’est pas adapté aux besoins de l’économie d’aujourd’hui :
-les parties doivent requérir les inscriptions par écrit ou oralement en se présentant au registre (cf. l’Ordonnance du Tribunal fédéral concernant l’inscription des pactes de réserve de propriété, qui date de 1910), alors qu’elles devraient pouvoir procéder par le biais d’internet ;
-les inscriptions doivent être prises au domicile de l’acquéreur (art. 715 al. 1 CC) et, s’il n’a pas de domicile en Suisse mais y possède un établissement, au lieu de cet établissement (art. 1 al. 1 de l’Ordonnance), alors que le registre devrait être centralisé pour toute la Suisse ;
-le fonctionnement même du registre est lourd et compliqué, le conservateur devant même certifier chaque inscription par sa signature (art. 11 de l’Ordonnance), alors qu’il suffirait d’un registre « minimaliste » et informatisé, ne contenant que les données essentielles inscrites directement par les parties (à l’instar, par exemple, des registres d’une majorité des Etats américains).
Dans le cas d’espèce, l’acquéreur n’était pas domicilié en Suisse et n’y possédait pas d’établissement. Une inscription de la réserve de propriété en Suisse n’était donc pas possible, selon les règles applicables. Le Tribunal fédéral évoque la possibilité de procéder dans une telle hypothèse à une inscription au registre du lieu de situation du bien, ainsi que le proposent certains auteurs ; il ne se prononce toutefois pas sur la validité d’une telle mesure, les parties ne l’ayant pas prise.
Il reste à espérer que le Tribunal fédéral comblera cette lacune à la prochaine occasion : la logique voudrait que si une inscription est exigée, il soit possible d’y procéder. Quant au rajeunissement du registre, il relève du législateur ; ce dernier y procédera sans doute lorsqu’il se saisira du problème plus général de la réforme de notre droit des sûretés réelles mobilières.