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Ratification d'opérations contraires au contrat ou aux instructions

Dans un arrêt datant du 2 juillet 2004 déjà, mais qui vient d’être publié (ZR 105 (2006) no. 4, pp. 17 ss), le Handelsgericht du canton de Zurich a eu l’occasion d’examiner la question de savoir à quelles conditions on pouvait admettre une ratification d’actes de gestion contraires au mandat.
Deux clientes avaient ouvert auprès d’une banque un compte-joint, ainsi qu’un compte de dépôt, et avaient conféré à cette dernière un mandat de gestion. Dans les différents documents bancaires que les clientes avaient signés, elles avaient indiqué opter pour une stratégie de placements axée sur le gain en capital (« Kapitalgewinn orientiert ») ; seule une mention manuscrite figurant sur un des documents faisait référence à des opérations sur options. Dans le cas d’espèce, la banque avait toutefois mené une gestion dynamique en faisant largement recours à des options, ce qui avait fini par entraîner des pertes importantes pour les clientes, lesquelles actionnèrent la banque en dommages-intérêts pour violation du contrat de mandat.
Le Handelsgericht de Zurich a rappelé que dans le cadre d’un contrat de mandat de gestion de fortune, la banque mandataire était non seulement responsable envers ses mandants de la bonne et fidèle exécution du mandat (art. 398 al. 2 CO), mais qu’elle ne pouvait s’écarter des instructions précises reçues de ses mandants (art. 397 al. 1 CO). Or, en l’espèce, il n’était pas contestable que la banque ne s’en était pas tenue à une stratégie de placements axée sur le gain en capital, mais qu’elle avait appliqué une stratégie dynamique fondée sur les options.
Pour sa défense, la banque faisait valoir que ses mandantes avaient ratifié la gestion appliquée à leur compte.
Sur ce point, le tribunal zurichois a tout d’abord rappelé qu’une ratification peut intervenir soit de façon expresse, soit par acte concluant. Dans ce dernier cas cependant, la ratification ne peut être admise à la légère. Bien au contraire, il s’agit de se montrer rigoureux pour admettre une ratification par acte concluant. Il faut en effet que le comportement du mandant ne puisse raisonnablement être interprété autrement que comme signifiant qu’il consent aux opérations de gestion faites en violation de la convention ou des instructions ; le seul fait que le client ne formule pas de réclamation contre lesdites opérations ne saurait être considéré comme valant ratification. Cela est d’autant plus vrai lorsque le client charge un spécialiste – en l’occurrence une banque – de gérer sa fortune, pour ne pas avoir à s’en occuper lui-même, en raison du fait notamment que les connaissances nécessaires à une telle activité lui font défaut. Il ne peut dès lors être exigé du client qu’il contrôle constamment la gestion opérée par la banque.
Cela étant, si le client a effectivement reconnu – ou s’il aurait dû sans autre reconnaître – le caractère non conforme à la convention ou à ses instructions du comportement de la banque, et si, ce nonobstant, il ne réagit pas, alors qu’il aurait eu toute raison de contester les actes de gestion non conformes, il convient alors de considérer, en vertu du principe de la confiance, que le client ratifie le comportement de la banque.
Par ailleurs, pour considérer que la ratification d’actes de gestion contraires à la convention ou aux instructions puisse aussi être admise pour des actes de gestion futurs, il faut que le client ait toléré pendant longtemps la violation du contrat ou que, en raison de la nature des opérations sur lesquelles porte le consentement, il puisse raisonnablement être considéré que celui-ci vaut aussi pour les actes futurs.
Enfin, en cas d’utilisation d’options, il est de surcroît nécessaire, pour accepter une ratification, que le client ait connu les risques de pertes liés à de telles opérations ; en d’autres termes, il faut que le client ait réalisé qu’il courait le risque de perdre l’entier de ses avoirs confiés à la banque.
Dans le cas d’espèce, le Handelsgericht de Zurich a examiné en détail l’évolution du portefeuille des mandantes pour déterminer si celles-ci avaient réalisé – ou auraient dû réaliser – que la banque ne gérait pas leur compte comme convenu, mais développait au contraire une stratégie fondée essentiellement sur les options. Le Tribunal a ainsi pu déterminer qu’à un moment donné les clientes savaient, ou auraient dû savoir, que la banque faisait un large recours aux options, contrairement à la stratégie convenue, et qu’à ce moment-là les risques d’une telle stratégie, avec le danger d’une perte totale de leur patrimoine, leur étaient connus ou auraient dû l’être. Il appartenait dès lors aux clientes, si elles n’étaient pas d’accord avec ladite stratégie, de protester auprès de la banque. Le fait qu’elles ne l’aient pas fait pouvait dès lors être interprété, d’après les règles de la bonne foi, comme un consentement permettant à la banque de partir de l’idée que les clientes acceptaient qu’une stratégie fondée sur les options soit appliquée à leur portefeuille. Les clientes ont donc été déboutées de leurs conclusions.
Le recours en nullité qu’elles ont formé contre cette décision a été rejeté par le Tribunal de cassation de Zurich le 31 mars 2005, tout comme leur recours en réforme au Tribunal fédéral (arrêt non publié du 6 juillet 2005, 4C.323/2004).