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Etendue du devoir d'information prévu par 11 LBVM

Dans un arrêt du 14 mars 2005 (ZR 105 (2006) p. 8), le Handelsgericht zurichois a, probablement pour la première fois, donné une existence propre au devoir d’information imposé par l’art. 11 al. 1 lit. a LBVM. Il avait à juger d’une demande en dommages intérêts d’un client, qui n’avait pas confié de mandat de gestion à la banque et qui avait perdu l’intégralité des avoirs – pour partie empruntés à la banque (crédit lombard) investis dans des dérivés de crédit (Step-down Coupon Amortising Callable Credit-linked Notes).
Le client reprochait à la banque une violation de son devoir d’information.
Les juges ont tout d’abord posé le principe selon lequel l’art. 11 al. 1 lit. a LBVM, prend le pas sur le devoir d’information issu du contrat, chaque fois que le premier impose des règles plus sévères. Or, rappelle le Handelsgericht, la jurisprudence fédérale considère que la banque qui, sans être au bénéfice d’un mandat de gestion, s’engage uniquement à exécuter des ordres en bourse confiés ponctuellement par le client n’est pas tenue à un devoir général d’information, à moins qu’il n’apparaisse clairement que le client n’a aucune idée des risques qu’il encourt (ATF 11 II 333, cf. aussi, SJ 2005 I 408, SJ 2002 I 274). En imposant un devoir d’information spontané, notamment sur les risques, même en l’absence de mandat de gestion, l’obligation légale découlant de l’art. 11 al. 1 lit a LBVM est plus exigeante que le devoir d’information sur le contrat, du moins dans l’interprétation qu’en fait le Tribunal fédéral.
Cette première précision est bienvenue. Le Tribunal fédéral, n’avait en effet pas changé la jurisprudence précitée suite à l’entrée en vigueur de la LBVM, mentionnant parfois que, quelle qu’en soit la source (398 al. 2 CO, 11 LBVM ou responsabilité fondée sur la confiance), l’étendue du devoir d’information de la banque était la même.
Les juges cantonaux ont donc fondé la suite de leur raisonnement uniquement sur l’art. 11 LBVM. Ils ont considéré qu’informer sur la structure de risques d’un type d’opérations, impose de distinguer non seulement les classes d’actifs (actions, obligations, dérivés,…), mais également au sein de ces classes, les secteurs économique ou géographique. Ainsi, un Bon du Trésor américain ne présente pas la même structure de risque qu’une obligation de l’Etat argentin. C’est la première fois que cette approche, préconisée par certains auteurs, est adoptée par des tribunaux.
Le Handelsgericht a ensuite jugé que l’information était donnée de façon compréhensible si le client, sans expérience particulière dans le domaine financier peut, même en parcourant rapidement la documentation remise, se faire une idée réaliste des caractéristiques et des risques de l’opération. Cela implique notamment que l’information mentionne la perte maximale possible et la probabilité qu’elle se réalise. En matière de dérivés, le client doit être rendu attentif au fait que cette perte peut également résulter du comportement du sous-jacent. La banque ne peut partir de l’idée que le client associera un potentiel de gain élevé à un risque important.
L’information doit en principe intervenir avant la conclusion de l’opération. Toutefois, si celle-ci est complexe et nécessite des recherches particulières qui peuvent prendre du temps, une information postérieure à la conclusion de l’opération est possible. Toujours pionnier, le Handelsgericht affirme que dans une telle hypothèse, le négociant doit prendre à sa charge les coûts d’un éventuel retrait du client, qui une fois dûment informé, voudrait liquider la position.
L’expérience du client, relevante dans le cadre de l’art. 11 al. 2 LBVM, doit porter sur le type d’opération en cause. Même si le client est un homme d’affaires avisé, la banque ne peut considérer d’emblée qu’il maîtrise la structure de risque d’une opération sur un dérivé de crédit. En l’espèce, même le conseiller à la clientèle ne la maîtrisait pas.
En outre, le fait que le client soit déterminé à prendre des risques et qu’il pratique des opérations risquées ne diminue en rien le devoir d’information du négociant.
Dans un litige, il revient au client qui se plaint d’une violation de son devoir d’information de l’établir, mais la banque à l’incombance de participer à l’apport des preuves. Dans l’appréciation de celles-ci, les juges ont expressément mentionné le statut des témoins (employés de la banque ou ex-employés de la banque restés en bons termes avec celle-ci) pour pondérer la valeur du témoignage. Cet aspect qui peut apparaître marginal est en réalité un réel problème. En effet, il arrive souvent que les seuls témoins, au sens strict, soient des collaborateurs de l’établissement actionné par le client.
C’est dans le cadre de l’administration des preuves que les juges zurichois se réfèrent aux Règles de conduite de l’Association Suisse des Banquiers pour négociants en valeur mobilières, du 22 janvier 1997 (BF 05/45-19). Ils n’en ont en effet pas parlé dans l’examen de l’étendue du devoir d’information. Ils soulignent que ces directives (art. 3 N. 11) invitent le négociant à documenter la façon dont il a informé le client. L’absence d’une telle documentation a une incidence sur l’appréciation des preuves et peut conduire à un allègement du fardeau de la preuve incombant au client.
Les juges ont finalement admis que le client avait droit à la réparation de son dommage (dont ils ont réduit le montant en raison d’une faute concomitante du client).
Cet arrêt sur la portée propre de la l’art. 11 LBVM, décidera, on le souhaite, nos juges fédéraux à préciser enfin la portée de cette disposition qui a plus occupé la doctrine avant son entrée en vigueur, que le Tribunal fédéral aujourd’hui.