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Pas de devoir d'information sur un risque notoire

Dans un arrêt du 31 octobre 2007 (4A_301/2007), le Tribunal fédéral analyse pour la première fois le devoir d’information de la banque sous l’angle des risques liés à une possible intervention de tiers dans la transmission d’ordres de paiement donnés par le client à sa banque.
En juin 2004, une société cliente remplit un ordre de paiement à l’attention de sa banque auquel elle annexa un bulletin de versement. Cet ordre de paiement effectué conformément au nouveau formulaire de la banque ne contenait, contrairement à l’ancien, ni le nom du bénéficiaire ni son numéro de compte (le bulletin de versement contenant seul ces informations) mais le montant total de l’ordre, le nombre des annexes et la signature du client. L’ordre de paiement fut déposé dans une boîte aux lettres de la Poste. La banque ayant reçu l’ordre l’exécuta. Or, il s’avéra par la suite que le courrier postal avait été intercepté par des malfaiteurs qui avaient subtilisé le bulletin joint par la cliente et inséré un autre. L’argent était déjà loin lorsque la supercherie fut découverte. En juin 2005, la banque adressa à sa clientèle une lettre circulaire attirant son attention sur les risques liés à la transmission d’ordres de paiement et l’appelant à plus de vigilance. Elle indiquait que des faussaires interceptaient des ordres de paiement dans les boîtes aux lettres et les falsifiaient sans toucher à la signature des clients rendant la fraude impossible à découvrir pour elle.
Le TF retient que la cliente et la banque étaient, au moment des faits, liées par un contrat de compte courant ainsi que par un contrat de giro bancaire. Dans le cadre du contrat de giro bancaire soumis aux règles du mandat, la banque n’a pas à se préoccuper des rapports juridiques de base entre le donneur d’ordre et le bénéficiaire mais est tenue d’exécuter les instructions du client avec diligence et fidélité ce qui comprend l’obligation de vérifier la légitimation du donneur d’ordre.
Ce n’est toutefois pas sous cet angle que la cliente attaqua la banque. Elle invoqua une violation de son devoir d’information : la banque aurait dû la prévenir que l’utilisation du nouveau formulaire rendait la falsification des ordres de paiement plus aisée et qu’elle ne lui permettait plus de les déceler.
Ces griefs sont rejetés par le TF. En effet, selon ce dernier, le risque lié à la possible interception par un tiers non autorisé de courrier déposé dans une boîte aux lettres est connu de tous depuis longtemps. Dès lors la banque n’avait pas le devoir d’en informer ses clients. S’agissant de la fraude dont la cliente fut victime, le TF relève que de tels agissements s’étaient déjà produits à de nombreuses reprises avant juin 2004 et avaient été relatés par la presse locale. Ces faits étaient ainsi notoires en juin 2004 rendant le devoir d’information de la banque inopérant. Un tel devoir d’information n’aurait pu entrer en ligne de compte, selon le TF, que si la banque avait eu connaissance de telles infractions et que tel n’avait pas été le cas de ses clients. Dans une telle situation, le TF retient qu’une lettre circulaire du genre de celle adressée par la banque en juin 2005 aurait permis à cette dernière de remplir son devoir d’information.
L’arrêt du TF est intéressant à plusieurs égards. Il s’agit tout d’abord de son premier arrêt sur cet aspect du devoir d’information de la banque, devoir dont il confirme l’existence et qui vise à combler le déficit de connaissance de ses clients sur les aspects techniques de certains services bancaires et les risques qui y sont liés. Ce devoir d’information ne trouve toutefois pas application lorsque ces risques sont connus et que la banque n’a pas manqué à son devoir de diligence. Dans ces cas, c’est le client qui en supporte les conséquences. Si la décision du TF nous paraît en l’espèce justifiée, on peut néanmoins se demander dans quelle mesure les risques connus ou auxquels les clients seraient rendus attentifs seraient toujours entièrement imputables à ces derniers dès lors que ce sont les banques qui déterminent les procédures à suivre, et donc les risques, pour la fourniture des services qu’elles proposent.