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Placements collectifs

Directive européenne sur les gestionnaires de fonds alternatifs : quelles répercussions pour la Suisse ?

Le 11 novembre 2010, le Parlement européen a adopté la directive sur les gestionnaires de fonds alternatifs (ci-après la « Directive AIFM »). La Directive AIFM est le résultat d’un long processus législatif au cours duquel il était parfois difficile de suivre les nombreux projets émanant de la Commission, du Conseil et du Parlement. On se rappellera que la proposition de directive publiée par la Commission le 30 avril 2009 (cf. actualité n° 640) contenait des dispositions qui discriminaient les Etats tiers et faisaient ainsi craindre l’instauration par l’Union Européenne de mesures protectionnistes. En comparaison du projet de la Commission, la Directive AIFM, adoptée par le Parlement, instaure finalement un régime qui ne devrait pas engendrer une fragmentation du marché des fonds alternatifs. Une fois traduite dans les 23 langues des Etats membres de l’Union européenne et publiée dans le Journal Officiel de l’Union européenne, la Directive AIFM entrera en vigueur. Les Etats membres disposeront alors d’un délai de deux ans pour transposer la directive dans leur droit national de sorte que la Directive AIFM devrait régir le marché européen des gestionnaires de fonds alternatifs dans le courant 2013.
La Directive AIFM vise non seulement les gestionnaires de fonds alternatifs tels que les fonds de private equity et les hedge funds, mais également tous les fonds qui ne sont pas conformes à la Directive UCITS. Contrairement à la Directive UCITS, la Directive AIFM s’applique aux gestionnaires et non pas aux fonds. Les gestionnaires de fonds alternatifs seront soumis à un régime d’agrément et de surveillance. Ce régime de surveillance portera notamment sur les systèmes de rémunération du personnel des gestionnaires de fonds alternatifs. A l’instar de la Directive UCITS, la Directive AIFM permettra par ailleurs aux gestionnaires de bénéficier d’un passeport pour commercialiser des fonds alternatifs au sein de l’Union européenne.
S’agissant de la question controversée des rapports avec les Etats tiers, la Directive AIFM n’exclut finalement pas la délégation de la gestion de portefeuilles de fonds alternatifs à des gestionnaires établis en Suisse ou dans d’autres Etats tiers. Les gestionnaires suisses devraient par ailleurs pouvoir bénéficier d’une autorisation de distribution en Europe. A cet égard, on relèvera que les gestionnaires européens disposeront d’un passeport dès 2013 alors que les gestionnaires établis dans les Etats tiers pourront bénéficier d’un tel passeport uniquement dès 2015.
Si la Suisse peut en l’état se réjouir de l’instauration d’un régime plus libéral que celui prévu initialement par le projet de directive de la Commission du 30 avril 2009, la concrétisation de ce régime est soumise à de nombreuses conditions. Les gestionnaires suisses de fonds alternatifs devront notamment être soumis à l’autorisation de la FINMA. La surveillance par la FINMA des gestionnaires suisses de fonds alternatifs étrangers nécessitera une modification de l’article 13 al. 4 LPCC. La Suisse devra par ailleurs conclure des accords de coopération avec les Etats membres de l’Union européenne. La réalisation par la Suisse de ses ambitions en matière de gestion alternative présuppose ainsi une reconnaissance européenne, laquelle est subordonnée à l’intégration dans le droit suisse du système d’agrément et de surveillance des gestionnaires de fonds alternatifs.
La Directive AIFM établit les lignes directrices de la future réglementation européenne des gestionnaires de fonds alternatifs. Les détails de cette réglementation découleront des multiples dispositions d’exécution, qui doivent être adoptées tant par la Commission et la future Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) que par les Etats membres. Ce n’est qu’à la lumière de ces dispositions d’exécution que les conséquences pratiques de la Directive AIFM pour la Suisse pourront être cernées.