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Droit des sociétés

Exclusion d’un membre d’une société coopérative pour de justes motifs

Le 13 décembre 2010, le Tribunal fédéral a prononcé un arrêt 4A_359/2010 dans lequel il reconnaît l’existence de justes motifs d’exclusion d’un membre d’une société coopérative en raison de la mauvaise réputation de ce dernier, de ses déboires financiers et de ses condamnations pénales, jugés incompatibles avec l’activité de la coopérative.
Dotée d’un but social et d’utilité publique, soit la construction de logements à des prix favorables, la Coopérative Y est amenée à conclure des contrats de prêt avec des établissements bancaires et à obtenir des cautionnements ou subventions des autorités publiques afin de financer ses projets de construction. La société ainsi que ses membres doivent dès lors avoir une réputation exemplaire.
Convoqués en assemblée générale extraordinaire, les sociétaires ont prononcé l’exclusion du demandeur pour justes motifs. Fondateur de la société puis membre influent de l’administration, disposant de nombreuses parts sociales, le recourant avait en effet été condamné pour abus de confiance, banqueroute frauduleuse, gestion déloyale qualifiée et faux dans les titres. En outre, sa situation patrimoniale était gravement obérée, celui-ci faisant l’objet de saisies et d’actes de défauts de biens pour plusieurs millions de francs. Ses parts sociales dans la Coopérative avaient également été saisies. La société craignait dès lors que la mauvaise réputation du recourant ne fasse planer des doutes sur sa propre honorabilité et ne mette en danger ses propres activités.
L’art. 846 al. 2 CO prévoit que l’exclusion d’un associé de la société coopérative peut être prononcée pour de justes motifs. L’existence de justes motifs est admise lorsque, pour des raisons imputables à l’associé, on ne peut raisonnablement exiger de la société qu’elle maintienne en son sein l’associé en question. Tel est le cas lorsque celui-ci viole gravement ou de manière répétée ses obligations ou qu’il ne remplit plus les conditions posées au sociétariat, mais aussi lorsque d’importantes conditions de fait, personnelles ou matérielles, déterminantes pour l’entrée de l’associé dans la société, font désormais défaut. Dans ces circonstances, l’associé ne peut plus œuvrer au but commun et risque de causer un dommage à la société.
Le Tribunal fédéral a ainsi saisi l’occasion de rappeler le sens donné à la notion indéterminée de « justes motifs » d’exclusion au sens de l’art. 846 al. 2 CO. Cette condition doit être examinée en considération des circonstances du cas d’espèce, du but de la société concernée et de ses activités effectives. Dans ce contexte, l’intérêt social est décisif : ainsi un fait déterminé peut constituer un juste motif pour une société, mais peut ne pas avoir ce caractère dans une autre coopérative. Dans cet arrêt, le Tribunal souligne que la bonne réputation des membres de la société coopérative étant une des conditions essentielles de la réussite des projets de cette dernière, les reproches liés à la personne de l’associé justifient son exclusion. Il ajoute que pour admettre l’existence de justes motifs, il n’est pas nécessaire que la réputation du recourant ait déjà causé un préjudice à la société coopérative. On ne saurait en effet obliger celle-ci à attendre la survenance d’un dommage pour pouvoir exclure son associé.