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Cautionnement

Des exceptions de la caution en cas de renonciation du débiteur principal à la compensation

En date du 2 mai 2012 (arrêt 4A_678/2011, destiné à la publication au recueil officiel), le Tribunal fédéral a pour la première fois admis que l’art. 502 al. 2 CO, en vertu duquel une renonciation du débiteur à des exceptions lui appartenant n’est pas opposable à la caution, s’applique par analogie au droit de la caution de refuser de payer le créancier, conformément à l’art. 121 CO.
L’état de faits sous-jacent à cette affaire peut être résumé comme suit. Une banque, ayant consenti un prêt à concurrence de CHF 3’000’000.- à une société anonyme, avait obtenu de l’unique administrateur de cette dernière un engagement de caution solidaire à hauteur de CHF 2’000’000.-, intérêts en sus, pour garantir le remboursement dudit prêt. Lors de la conclusion du contrat de prêt, antérieure de quelques jours à la fourniture de la caution, la société s’était engagée à renoncer à la compensation dans sa relation contractuelle avec la banque. Après que la société eut fait défaut, puis fut déclarée en faillite, la banque avait poursuivi l’administrateur en paiement de la garantie. Ce dernier avait alors intenté une action en libération de dette, en vain. Débouté en première instance, puis devant l’Obergericht du canton de Glaris, l’administrateur faisait recours au Tribunal fédéral, sans succès.
En premier lieu, le Tribunal fédéral rappelle que le cautionnement (art. 492 CO) se caractérise par l’accessoriété de l’engagement de la caution (art. 502 al. 1 CO). A la différence d’une garantie indépendante, l’obligation de paiement éventuel de la caution dépend de la relation contractuelle de base entre le créancier et le débiteur principal. La caution a ainsi le droit d’opposer au créancier les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et résultent de l’obligation découlant du rapport de base, à l’exclusion, notamment, des moyens tirés de l’insolvabilité du débiteur principal, que le cautionnement a précisément pour objectif de garantir (art. 502 al. 1, 1ère phr. i.f., CO).
Notre Haute Cour ajoute que la protection de la caution est étendue par l’art. 502 al. 2 CO, qui habilite cette dernière à opposer au créancier les exceptions appartenant au débiteur principal, et auxquelles ce dernier aurait renoncé. Dans ce contexte, elle examine si cette disposition trouve application dans le cadre de l’art. 121 CO, lequel confère à la caution, par une exception dilatoire, la faculté de refuser de payer le créancier en tant que le débiteur principal a le droit d’invoquer la compensation. Cette problématique fait écho à l’ATF 126 III 25, qui avait laissé ouverte la question de savoir si la caution pouvait refuser de payer, par application analogique de l’art. 502 al. 2 CO, conjointement à l’art. 121 CO, dans l’hypothèse où le débiteur a renoncé à la compensation postérieurement à l’engagement de la caution, et sans que cette dernière n’y ait consenti. La particularité de la situation abordée dans l’ATF 126 III 25 tient au fait que la caution avait, à l’inverse de l’espèce examinée dans la présente cause, consenti à la renonciation du débiteur principal à la compensation.
L’arrêt 4A_678/2011 résorbe cette incertitude. Selon les considérants du Tribunal fédéral, il convient d’admettre, avec la doctrine unanime, que la caution peut refuser de payer le créancier, par application analogique de l’art. 502 al. 2 CO, conjointement à l’art. 121 CO, si (i) la renonciation du débiteur principal à la compensation survient postérieurement à l’engagement de la caution, et (ii) pour autant que cette dernière n’ait pas consenti à la renonciation. Bien que seule relève de l’art. 502 al. 2 CO la renonciation du débiteur principal à des exceptions, à l’exclusion d’une renonciation à des droits formateurs, le Tribunal fédéral n’en juge pas moins cette construction analogique admissible, en raison, notamment, du but poursuivi par ces deux normes de protection de la caution.
En revanche, le refus de payer de la caution est exclu si la renonciation à la compensation, par le débiteur principal, est antérieure à la fourniture de la caution, ou si la caution y a donné son accord. In casu, l’administrateur avait connaissance, lors de son engagement en tant que caution, de la renonciation de la débitrice principale à la compensation (art. 126 CO), de sorte qu’il n’était pas fondé à se prévaloir de l’application analogique des art. 502 al. 2 et 121 CO pour refuser de payer la banque.
En second lieu, cet arrêt amène le Tribunal fédéral à apporter quelques précisions relatives à l’art. 492 al. 4 CO, dont le recourant estime qu’il s’oppose à ce que la caution ne réponde d’une dette à l’égard de laquelle le débiteur principal aurait renoncé à la compensation. Introduit lors de la révision de 1941, l’art. 492 al. 4 CO dispose que la caution ne peut en principe pas renoncer d’avance aux droits qui lui sont conférés par le titre vingtième du CO consacré au cautionnement (art. 492 à 512 CO). Notre Haute Cour relève que cette disposition ne prohibe que la renonciation anticipée de la caution, dans le contrat de cautionnement, aux droits qui lui sont conférés, ce qui n’empêche toutefois pas cette dernière de répondre de l’exécution d’une dette à l’égard de laquelle le débiteur principal a renoncé à des exceptions ou objections. Elle ajoute que si l’intention du législateur avait consisté à interdire à la caution de répondre de dettes à l’égard desquelles une renonciation à des exceptions, respectivement objections, avait été formulée, force serait d’admettre que de nombreuses obligations n’auraient plus pu être garanties par le cautionnement. En l’occurrence, l’art. 492 al. 4 CO n’était pas applicable, de sorte que le Tribunal fédéral s’est dispensé de trancher la question de savoir si l’art. 121 CO tombe dans le champ d’application des droits visés par l’art. 492 al. 4 CO, quoique cette disposition se réfère au seul titre vingtième du CO.
Enfin, cet arrêt a été l’occasion pour le Tribunal fédéral de relever que la renonciation du débiteur principal à la compensation n’est pas soumise à l’exigence de forme de l’art. 493 al. 2 CO.