Services de paiement
Propositions de réglementation des tarifs et d'ouverture du marché
Adrien Alberini
Pranvera Këllezi
Une année après l’adoption du Livre Vert sur les paiements par carte, par internet et par téléphone ainsi qu’aux décisions en matière de droit de la concurrence fixant un limite aux tarifs des paiements par carte de crédit (voir Commentaire n° 815 du 25 juin 2012), la Commission propose deux règlementations importantes en matière de services de paiements : un projet de Règlement relatif aux commissions d’interchange pour les opérations de paiement liées à une carte et un projet de révision de la Directive portant sur les services de paiement en général. Ces deux projets sont complémentaires et visent à faciliter l’utilisation de nouveaux services de paiement (p.ex. par internet), à réduire les coûts de l’utilisation des cartes de débit et de crédit par les consommateurs et les commerçants, à augmenter les conditions de sécurité des paiements en ligne et, enfin, à augmenter le niveau de protection des consommateurs-payeurs.
La mesure la plus frappante est le plafonnement des commissions multilatérales d’interchange dans les paiements par carte de débit et de crédit de Visa et MasterCard (systèmes dites quadripartites). Cette commission est payée par la banque du commerçant à la banque du consommateur, mais son taux est fixé d’un commun accord entre lesdites banques d’où l’accusation d’entente cartellaire. De ce fait, les banques fixent le taux minimum applicable aux paiements par carte, montant qui est transféré aux consommateurs et aux commerçants. Ce projet de Règlement fait donc suite à plusieurs interventions de la Commission en droit de la concurrence dans le secteur des paiements par carte, mouvement suivi également par la Comco en Suisse (voir les Commentaire n° 815 du 25 juin 2012 et Commentaire n° 399 du 19 décembre 2005). Certains commerçants, comme les compagnies aériennes, appliquent une surcharge sur les paiements par carte de crédit en ligne, surcharge qui inclut une grande partie de ladite commission. Par cette proposition de paquet législatif, la Commission intervient à la fois sur le taux lui-même en le plafonnant et sur la surcharge aux consommateurs qu’elle propose d’interdire. Le projet de Règlement propose de plafonner la commission payée par la banque du commerçant à la banque du consommateur à 0.2 % par opération effectuée pour les cartes de débit et à 0.3 % pour les cartes de crédit. Il s’agit exactement des mêmes taux « acceptés » par MasterCard et Visa lors de la procédure engagée par la Commission en matière de concurrence. Ce plafonnement s’appliquera rapidement en matière d’opérations transfrontières, soit deux mois après l’entrée en vigueur du Règlement ; après deux ans, les mêmes plafonds devraient s’appliquer à toutes les opérations par carte, donc même aux paiements à l’intérieur d’un pays membre. A noter encore que le plafonnement des commissions ne s’applique pas aux cartes émises par des systèmes tripartites, telles qu’American Express ou Diners, ces cartes ne fonctionnant pas sur la base de commissions d’interchange. Quant au projet de Directive, il propose d’interdire aux commerçants de surcharger les consommateurs lorsqu’ils choisissent de payer par carte de débit ou de crédit. Si ces propositions sont acceptées, les compagnies aériennes et les agences de voyage ne pourront plus exiger une surcharge en cas d’achat en ligne par carte de débit ou de crédit.
En ce qui concerne les règles applicables à tous les services des paiements, il convient de mentionner en particulier ce qui suit :
- Les prestataires de services de paiement devront authentifier, enregistrer et comptabiliser toute opération de paiement. Si l’utilisateur-payer allègue qu’il n’a pas autorisé un paiement, c’est au prestataire de services de prouver qu’il a correctement enregistré et exécuté un ordre ;
- Les droits des utilisateurs des services de paiement sont en outre renforcés. La responsabilité des prestataires de services ne peut pas être limitée en cas d’opérations non-autorisées par l’utilisateur-payeur, sauf en cas de fraude ou de négligence grave de la part de l’utilisateur- payeur. En outre, en cas de paiement non-autorisé par lui, l’utilisateur-payeur ne doit supporter qu’une perte de EUR 50 au maximum ; le reste est à la charge des prestataires de services de paiement ;
- Le projet de Directive inclut des règles précises sur les contrats-cadres d’opérations de paiement, notamment sur le devoir d’information (gratuite) des utilisateurs concernant les services, les tarifs, les mesures de sécurité ou les conditions de résiliation, sachant que l’utilisateur a impérativement le droit de résilier après un an avec un préavis d’un mois ;
- Les licences octroyées aux systèmes de paiements par carte doivent couvrir l’ensemble du territoire de l’Union européenne ;
- Les prestataires de services de paiement autres que les banques (c’est-à-dire des prestataires qui ne gèrent pas des dépôts de fonds) auront la possibilité d’obtenir une licence. Ces prestataires, principalement des services de paiement en ligne, pourront concurrencer les systèmes de paiement par carte de débit ou de crédit ; ils auront accès aux informations des comptes des clients. En contrepartie, ces prestataires seront soumis aux mêmes normes de sécurité (en particulier les exigences en matière d’authentification), de protection de données et de responsabilité ;
- Les systèmes de cartes de crédit et de débit ne peuvent plus obliger un commerçant qui utilise un type de carte (par exemple les cartes de débit) à accepter un autre instrument de paiement plus cher (par exemple les cartes de crédit). Les commerçants doivent pour leur part clairement informer les consommateurs des instruments de paiement qu’ils acceptent et doivent rester libre de les informer sur les commissions applicables aux paiements par carte.
Avec ces deux propositions règlementaires, la Commission montre qu’elle entend poursuivre la volonté de créer un marché unique de paiement électronique, plus sûr et moins cher pour les commerçants et les consommateurs.