Surveillance des marchés financiers
L’avancée inexorable de la réforme sur l’UEM
Hristina Stoyanova
A la suite de la crise financière, le système européen de surveillance financière a été complètement remanié pour mieux protéger les consommateurs et les investisseurs. Différentes autorités administratives ont été instituées en vue de centraliser le contrôle du secteur financier au niveau européen. D’une part, un Comité européen du risque systémique (CERS) a été créé pour surveiller le système financier dans son ensemble et permettre la coordination des politiques de l’UE en termes de stabilité financière (pilier « macroprudentiel »). D’autre part, trois autorités de surveillance (AES), à savoir l’Autorité bancaire européenne (ABE), l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) et l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), ont été mises en place pour superviser les différents secteurs et établissements (pilier « microprudentiel »).
Dans la continuité de ces réformes, l’UE s’est donné pour mission de garantir l’intégration des marchés de capitaux par une meilleure gestion des risques du secteur financier et par la création d’une véritable Union économique et monétaire (UEM). Ainsi, la Commission européenne a proposé dans un communiqué de presse du 20 septembre 2017, accompagné par une fiche d’information, des réformes visant à unifier et à renforcer les règles concernant la réglementation et la surveillance dans le marché unique. Le travail de la Commission européenne constitue un aboutissement par rapport aux propositions déjà faites par le document de réflexion sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire de mai 2017 et par le rapport des cinq présidents de juin 2015.
La Commission européenne propose notamment d’améliorer la surveillance dans l’ensemble de l’UE, en élargissant les pouvoirs des AES, et plus particulièrement de l’AEMF. Il est prévu que celle-ci pourra contrôler directement certains secteurs des marchés de capitaux comme l’utilisation d’indices de référence, l’approbation de certains prospectus, l’agrément et la surveillance des fonds d’investissements porteurs d’un label UE et la coordination des enquêtes sur les abus de marché. Dans ces quatre secteurs, et sous des conditions bien précises, l’AEMF pourrait ainsi exercer un contrôle direct. Mais, encore faut-il que l’indépendance de cette autorité soit garantie. La Commission européenne a déjà prévu de nouvelles règles sur la gouvernance et le financement. Le progrès consiste à un détachement partiel du financement par les Etats, compensé par des contributions provenant du secteur financier. En deuxième lieu, l’indépendance doit être assurée par une émancipation des intérêts purement nationaux et par la création d’un système de gouvernance autonome. Chaque autorité sera donc dotée d’un conseil exécutif composé de membres permanents dont les décisions devront être axées davantage sur la politique de l’UE et sur l’intégration des marchés de capitaux. Il est également prévu que l’AEMF, comme les autres AES, devra contribuer à l’amélioration du cadre réglementaire, en adoptant des normes uniformes pour les marchés financiers de l’UE (le « règlement uniforme »).
Toutefois, l’élargissement des pouvoirs de l’AEMF, ainsi que l’octroi de pouvoirs de supervision directe, comportent leurs propres risques. Il est permis de se demander à quel point les réformes envisagées auront un impact sur les marchés des capitaux, et surtout comment elles vont atteindre leur objectif d’une meilleure protection des investisseurs et des consommateurs. La concentration de pouvoirs de surveillance au sein d’une même et unique autorité nécessite de véritables garanties d’indépendance pour éviter le lobbying et une inégalité de traitement à l’égard de certains acteurs du marché. La restriction du cercle de personnes compétentes pour superviser les marchés financiers accroît aussi les risques de corruption. Par conséquent, un mécanisme de contrôle des activités de surveillance peut être utile pour s’assurer de leur efficacité. La question des voies de recours contre les décisions rendues par l’AEMF est aussi un point essentiel, tout comme l’élection et la durée du mandat des membres permanents du conseil exécutif. Or, la mise en place de la réforme nécessite de se pencher sur ces questions d’une manière approfondie.
Une dernière proposition consiste à promouvoir la finance durable et les FinTech. La Commission européenne envisage ainsi de coordonner le renforcement de la surveillance financière avec les nouvelles évolutions du marché en vue d’améliorer la stabilité financière et la cybersécurité. Toutefois, la proposition ne décrit que les grandes lignes des priorités sans entrer dans les détails. Il reste donc à savoir comment ses objectifs seront mis en place et surtout quel sera leur impact sur les investisseurs et les consommateurs.