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Assistance administrative

La notification par publication dans la Feuille fédérale

Une publication dans la Feuille fédérale suffit-elle pour informer une personne habilitée à recourir et domiciliée à l’étranger de l’ouverture d’une procédure d’assistance administrative l’impliquant ? Oui, selon le Tribunal fédéral, lorsque le détenteur des renseignements, en l’occurrence la banque, refuse d’informer la personne habilitée à recourir au terme de leurs relations contractuelles et qu’il se révèle « difficile, voire impossible de localiser [son] domicile ou [son] siège » (arrêt 2C_653/2017 du 13 mai 2019 destiné à la publication).

En novembre 2015, l’Administration fédérale des contributions reçoit deux demandes d’assistance administrative concernant un résident français, A. En contactant la banque mentionnée dans l’une des requêtes, l’AFC apprend l’existence de trois relations bancaires sur lesquelles A. dispose d’un droit de signature. Ces comptes sont ouverts au nom des sociétés B. et C., dont le siège se situe dans un État tiers inconnu. Alors que l’AFC l’invite à informer ses clientes, les sociétés B. et C., de la procédure en cours, la banque explique que la clôture des relations l’empêche de s’exécuter. Par publication dans la Feuille fédérale du 15 mars 2016, l’AFC appelle – sans succès – les deux sociétés à désigner un représentant en Suisse.

Fin avril 2016, la Suisse accorde l’assistance administrative aux autorités françaises et leur transmet notamment les informations sur les relations bancaires dont les sociétés B. et C. étaient titulaires. Cette décision est notifiée à A., individuellement, ainsi qu’aux sociétés B. et C., par publication dans la Feuille fédérale. Le TAF admet le recours formé par A. : il prononce la nullité partielle de la décision pour défaut de notification aux sociétés B. et C. et violation de leur droit d’être entendu, puis renvoie l’affaire à l’AFC. Celle-ci recourt au Tribunal fédéral et obtient gain de cause.

Dans un premier considérant, le TF estime que le recours en matière de droit public est ouvert contre la décision du TAF : (1) elle cause un préjudice irréparable à l’Administration (art. 93 LTF), car elle la contraint à rendre une décision qu’elle estime contraire au droit et ; (2) elle pose une question juridique de principe (art. 83 lit. h et 84a LTF), liée aux exigences procédurales en matière de notification qui opposent l’AFC et le TAF.

Sur le fond, le TF écarte l’application de la CDI CH-FR pour les sociétés B. et C. – et en particulier son art. 28bis qui vaut uniquement pour les résidents suisses ou français – au profit du droit interne. Les juges lausannois interprètent l’art. 14 de la Loi fédérale sur l’assistance administrative fiscale (LAAF) et en déduisent la cascade suivante pour informer les personnes habilitées à recourir domiciliées à l’étranger :

  1. Dans un premier temps, l’AFC invite le « détenteur de renseignements », à savoir « la personne qui détient en Suisse les renseignements demandés » (art. 3 lit. b LAAF), en principe la banque, à informer la personne habilitée à recourir, son client, de la procédure en cours (art. 14 al. 3 LAAF). Les relations contractuelles entre les parties obligent la banque à aviser son client ; en revanche, « si celles-ci sont clôturées, cette obligation n’existe plus ». Ainsi, dans l’hypothèse où la banque refuserait de procéder à la communication, « on ne voit pas ce que l’Administration fédérale [pourrait] faire de plus ni de quel moyen de pression elle [disposerait] auprès de la [b]anque pour qu’elle revienne sur sa position ».
  2. L’AFC peut alors essayer d’informer directement la personne concernée, aux conditions de l’art. 14 al. 4 LAAF, c’est-à-dire lorsqu’une convention internationale autorise les notifications par voie postale (lit. a) ou que l’État requérant est aussi l’État de domicile de la personne habilitée à recourir et qu’il admet ce procédé pour la procédure en cause (lit. b).
  3. Lorsqu’une notification directe se révèle inenvisageable (et en ce sens à titre subsidiaire), par exemple lorsque l’État de domicile est inconnu comme en l’espèce, l’alternative suivante s’offre à l’Administration : informer la personne habilitée à recourir par l’intermédiaire de l’autorité requérante ou par une publication dans la Feuille fédérale. Le choix entre l’un ou l’autre mode de notification revient à l’appréciation de l’AFC, sans ordre de priorité. Au TAF, qui estimait la publication intervenue dans la Feuille fédérale comme insuffisante en raison de son caractère subsidiaire et du fait qu’elle est négligée par les personnes à l’étranger, le TF rétorque qu’une information par le biais de l’État requérant nécessite, d’une part, que la personne concernée se trouve sur son territoire et, d’autre part, que la Suisse lui transmette son identité.

Le TF a tranché : il nie la violation du droit d’être entendu des sociétés, ce grief d’ordre formel. Concrètement, on peine à évaluer la probabilité qu’elles aient consulté la Feuille fédérale. En même temps, les rapports entre les parties laissent imaginer qu’elles auraient pu avoir vent de la procédure par un autre moyen. L’interprétation du TF semble par conséquent échapper à la critique.