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Entraide administrative internationale

Les insolvabilités bancaires étrangères devant le Tribunal fédéral

L’ATF 145 II 168 tranche la question de la recevabilité d’un recours au Tribunal fédéral contre une décision de la FINMA reconnaissant une mesure prononcée à l’étranger en cas d’insolvabilité d’une banque. Un tel recours est irrecevable, car la décision visée est rendue «  en matière d’entraide administrative internationale  » au sens de l’art. 83 let. h LTF.

X. SA est une banque sise en Principauté d’Andorre. Après qu’elle a été exclue du système financier américain pour des soupçons de blanchiment, elle a initié une procédure d’insolvabilité, puis a fait l’objet d’une procédure dite de « résolution » par l’autorité andorrane compétente (Agència Estatal de Resolució d’Entitats Bancàries ; « AREB »). Une banque relais a été créée pour reprendre les clients de X. SA se conformant la législation pertinente, les autres demeurant auprès de X. SA, qui sera ensuite liquidée.

Certains avoirs se trouvant en Suisse, notamment des titres intermédiés déposés auprès de Y. SA, l’AREB a dû s’adresser à la FINMA pour que sa décision soit reconnue, avant que ces avoirs ne puissent lui être transférés. Compte tenu des spécificités de l’insolvabilité bancaire, la FINMA a le pouvoir de reconnaître cette décision et de remettre à la masse étrangère des valeurs patrimoniales sans ouvrir une faillite ancillaire, si les droits des créanciers domiciliés en Suisse sont suffisamment garantis (art. 37g al. 2 LB).

A. SA, B., C. Inc., et D. SA ont recouru contre cette décision de reconnaissance auprès du Tribunal administratif fédéral. Elles étaient clientes de X. SA et titulaires de titres intermédiés visés. Selon elles, leur situation est comparable à celle de bénéficiaires de créances garanties par gage, et une procédure de faillite ancillaire devait être ouverte. Étant donné qu’elles n’auraient en tout état pas le droit de distraire leurs titres intermédiés dans une procédure d’assainissement (art. 17 al. 1 LTI a contrario). Leur recours est donc irrecevable, faute de qualité pour agir (TAF B-2520/2017). Elles recourent au Tribunal fédéral.

La qualité pour agir des recourantes n’est pas au cœur de l’arrêt du Tribunal fédéral, qui traite plutôt de la recevabilité à raison de la matière d’un tel recours. En effet, l’art. 83 let. h LTF prévoit que le recours en matière de droit public est irrecevable contre les «  décisions en matière d’entraide administrative internationale  ». Cette notion n’a pour l’heure pas été définie par le Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral divise son raisonnement en deux parties  : déterminer si la décision visée est «  un acte d’entraide internationale (c. 3.2), puis si elle est de nature «  administrative  » (c. 3.3).

Premièrement, la décision de la FINMA implique deux autorités, de deux États différents, qui collaborent en vue de l’accomplissement des tâches qui leur ont été confiées. Il s’agit donc bien d’un acte d’entraide internationale, comme le serait d’ailleurs l’ouverture d’une faillite ancillaire. La nature exacte des actes de procédure n’est pas déterminante. Une simple autorisation, comme en l’espèce, est couverte par cette notion.

Deuxièmement, la décision de la FINMA trouve sa source dans la Loi sur les banques, et non dans le droit de l’insolvabilité «  classique  ». Cette règlementation relève du droit public en Suisse comme dans la Principauté d’Andorre. Le caractère «  administratif  » de la décision d’entraide est donné.

La FINMA a donc rendu une décision «  en matière d’entraide administrative internationale  », ce qui exclut le recours en matière de droit public.

Enfin, le recours ne peut pas être transformé en un recours en matière civile, car l’insolvabilité bancaire relève du droit public. La décision querellée étant un arrêt du Tribunal administratif fédéral, un recours constitutionnel subsidiaire n’est pas non plus possible (art. 113 LTF a contrario).

Le Tribunal fédéral déclare donc le recours irrecevable, sans trancher la question de la qualité pour agir des sociétés recourantes.

Cet arrêt – dont les motifs sont convaincants – s’inscrit dans le régime particulier auquel est soumise l’insolvabilité bancaire. Dans la dernière révision de la LIDP, le législateur avait permis que le droit ordinaire «  rattrape  » le droit bancaire en la matière, en permettant de renoncer – à certaines conditions ­– à la procédure de faillite ancillaire (art. 174a LDIP  ; cf. FF 2017 3863, p. 3865), mais des divergences subsistent entre les deux régimes.

Cette différence de traitement s’explique par la différence de nature entre ces procédures d’entraide, l’une civile (TF, 5A_450/2013, c. 1.1, non publié à l’ATF 140 III 379) et l’autre administrative. Cette conséquence n’a sans doute pas été envisagée par le législateur, mais elle est conforme à la volonté de mener aussi rapidement que possible les procédures d’insolvabilité bancaire, au prix toutefois d’une renonciation au double degré de juridiction  : le Tribunal administratif fédéral est la seule autorité judiciaire pouvant être saisie d’un recours contre une telle décision.