Aller au contenu principal

Offre publique d'acquisition

Conditions potestatives et conflits d’intérêts : entre constance et clarté

Le 6 septembre 2019, la Commission des OPA a rendu une décision 0741/01 portant sur un prospectus d’offre volontaire soumis par Behr Bircher Cellpack BBC AG (offrant ; ci-après BBC) aux actionnaires restants de Groupe Baumgartner Holding SA (société-cible ; ci-après Groupe Baumgartner). BBC détenant 97,22 % du capital-actions lors de la soumission de son prospectus.

À cette fin, la COPA a dû se pencher principalement sur deux volets de l’affaire en question. L’un traite des « conditions potestatives » auxquelles une offre volontaire peut être conditionnée. L’autre porte sur les conflits d’intérêts auxquels un conseil d’administration peut être confronté vis-à-vis d’une offre et les méthodes à sa disposition pour y remédier.

Les conditions potestatives sont traitées aux art. 131 let. b LIMF et 13 al. 2 OOPA. Il s’agit de conditions sur lesquelles un offrant pourrait lui-même exercer une influence déterminante quant à leur réalisation. Dès lors, si l’avènement d’une condition apparait d’emblée irréaliste, il appartiendra à l’offrant d’y renoncer sous peine d’entrainer l’inadmissibilité de son prospectus d’offre.

En l’espèce, BBC avait conditionné l’exécution de son offre à l’obtention d’une participation minimale de 98 % des actions à l’issue de cette dernière (seuil permettant par ailleurs le squeeze-out des actionnaires restants au sens de l’art. 137 al. 1 LIMF).

Dans sa pratique désormais établie, la COPA a reconnu à des offrants la possibilité de prévoir de telles conditions, ce notamment dans deux recommandations 0200/01 dans l’affaire Scintilla AG et 0042/01 dans l’affaire Calanda Bräu. Cette possibilité a toutefois été restreinte à la constitution de plateformes de lancement – à savoir la détention d’un bloc d’actions initial – préalablement à la publication d’une offre (93,7 % et 88,7 % des voix respectivement).

Dans la présente affaire, BBC et ses filiales détenaient déjà, lors de la soumission du prospectus d’offre, 97,22 % des actions nominatives du Groupe Baumgartner. La participation de l’offrant étant initialement particulièrement importante, il n’apparaissait pas comme irréaliste que celui-ci détienne plus de 98 % des actions à l’issue de l’offre. Partant, la présente condition a été jugée admissible car conforme à l’art. 13 al. 2 OOPA.

Dans la continuité de sa pratique, la COPA rappelle ainsi que même face à des conditions apparaissant à première vue irréalistes, telle que la fixation d’un seuil de détention d’actions élevé à l’issue d’une offre, il demeure essentiel d’analyser les circonstances de l’affaire afin de juger du caractère potestatif d’une condition.

Le second aspect porte sur la question des conflits d’intérêts des membres du conseil d’administration lorsque ceux-ci doivent se prononcer sur une offre, principe trouvant son fondement à l’art. 32 OOPA. En principe, en cas de conflit d’intérêts vis-à-vis d’une offre, le conseil d’administration doit annoncer le(s) membre(s) en cause et prendre les mesures adéquates afin de ne pas léser les destinataires de l’offre (art. 32 al. 1 et 4 OOPA). Font généralement partie des mesures prises la nomination d’un comité spécial composé d’administrateurs indépendants qui s’occuperont de l’élaboration du rapport du conseil d’administration ou l’obtention auprès d’un tiers particulièrement qualifié et indépendant d’une fairness opinion. Demeurait cependant ouverte la question des mesures à prendre pour un conseil d’administration dont la totalité des membres serait en situation de conflit d’intérêts.

Dans la présente affaire, l’intégralité des membres du conseil d’administration avaient été élus par l’actionnaire majoritaire BBC, situation les positionnant en conflit d’intérêts au sujet de l’offre de ce dernier. Le palliatif suggéré et approuvé par la COPA a été de requérir une fairness opinion auprès d’un réviseur-agréé indépendant sur la base de laquelle le conseil d’administration pourrait fonder son rapport et sa recommandation destinés aux actionnaires.

Rejoignant la lignée de décisions rendues sur cette thématique par la COPA (notamment la décision 0699/01 dans l’affaire Bank Cler AG ainsi que 0478/01 dans l’affaire Edipresse SA), il n’en demeure pas moins que cette décision représente une étape importante pour la pratique de la COPA. En effet, lorsque le conflit d’intérêts est généralisé, le choix de mesures adaptées apparait d’emblée limité. Ainsi, lorsque seulement certains membres du conseil d’administration sont en proie à un conflit d’intérêts, l’écartement desdits membres lors de la prise de position, que cela soit par leur absence lors des discussions et votes sur cette question ou par la nomination d’un comité spécial, demeure une mesure appropriée. Toutefois, lorsque le conflit d’intérêts est généralisé, un conseil d’administration souhaitant s’opposer à une offre ou la recommander sera également à même de le faire sur l’unique base d’une fairness opinion.

Il ressort donc de la décision prise par la COPA que celle-ci porte un intérêt particulier à ce que le conseil d’administration puisse se prononcer sur une offre adressée à son actionnariat.