LEFin/LSFin
Gestion collective : la portée de l’abandon de la notion de distribution
Olivier Stahler
Le nouveau cadre réglementaire applicable aux services et aux établissements financiers apporte de nombreuses modifications à la réglementation de la gestion collective. Il entraîne en particulier l’abolition du concept clef de « distribution ».
Jusqu’au 31 décembre 2019, la LPCC et ses ordonnances d’exécution régissaient les produits (à savoir les placements collectifs) et les acteurs de la gestion collective (à savoir notamment, les gestionnaires, les distributeurs, les directions et les banques dépositaires), mais aussi les règles de conduite applicables aux titulaires d’une autorisation. Avec l’entrée en vigueur de la LSFin et de la LEFin, le champ d’application de la LPCC est pour l’essentiel réduit aux placements collectifs alors que les services financiers en matière de gestion collective sont réglementés par la LSFin et les principaux acteurs de la gestion collective sont soumis à la LEFin, étant précisé que les dispositions relatives à la banque dépositaire restent ancrées dans la LPCC.
Depuis son introduction dans la LPCC en 2012, la notion de « distribution » jouait un rôle cardinal dans la réglementation de la gestion collective. Elle déterminait notamment si les placements collectifs étrangers étaient soumis à l’approbation de la FINMA et si les institutions qui proposent des placements collectifs devaient être autorisés par l’autorité de tutelle. On rappellera ici que les détails du régime de la distribution ont été concrétisés par la FINMA dans sa Circulaire 2013/9.
Avec l’abolition de la notion de « distribution », toute démarche de marketing portant sur des placements collectifs doit désormais être appréhendée sous l’angle des concepts d' »offre » et de « services financiers » au sens de l’art. 3 LSFin. Il convient également de tenir compte des dispositions en matière de publicité aux sens des art. 68 LSFin et 95 OSFin, mais aussi du nouvel art. 127a OPCC relatif à la publicité pour des placements collectifs étrangers.
Le nouveau concept d' »offre » au sens de l’art. 3 let. g LSFin est défini comme toute proposition d’acquérir un instrument financier qui comprend suffisamment d’informations sur les conditions de l’offre et l’instrument financier concerné. L’offre d’un placement collectif présuppose ainsi que l’investisseur dispose d’informations détaillées lui permettant d’accepter l’offre, à savoir, souscrire au placement collectif offert. Les commentaires du Département fédéral des finances (p. 21) relatifs à l’art. 3 al. 5 OSFin, précisent à juste titre que des démarches de presounding, de testing-the-water, ou toute vérification similaire servant à évaluer l’intérêt des investisseurs, des communications précédant une offre ou d’autres communications générales, ne constituent pas une offre. A l’instar du régime actuel de la distribution, l’offre d’un placement collectif étranger à des investisseurs non qualifiés est sujette à l’approbation du placement collectif par la FINMA. Le concept d' »offre » emporte ainsi des conséquences au niveau du produit. S’agissant des obligations au point of sale, le concept pertinent est celui de « services financiers » étant souligné qu’une offre en tant que telle, ne constitue pas forcément un service financier.
Le marketing d’instruments financiers, et en particulier de placements collectifs, doit être appréhendé sous l’angle du service financier visé à l’art. 3 let. c ch. 1 LSFin, à savoir l’acquisition ou l’aliénation d’instruments financiers. L’adoption de l’OSFin le 6 novembre 2019, a mis un terme aux controverses liées à la délimitation de ce service financier. L’art. 3 al. 2 OSFin prévoit finalement que par « acquisition ou aliénation d’instruments financiers », on entend toute activité destinée directement à un client déterminé aux fins spécifiques de l’achat ou de la vente d’un instrument financier. Le DFF dans ses commentaires de l’OSFin (p.19) indique en substance que les représentants de distributeurs qui commercialisent des placements collectifs doivent respecter les règles de comportement de la LSFin et confirme ainsi que ces représentants rendent bien un service financier. Les commentaires du DFF (p.19) apportent par ailleurs une précision très importante sur la délimitation du service financier relatif à l’acquisition ou l’aliénation d’instruments financiers, à savoir qu’il n’y a pas de service financier lorsque l’acquisition, respectivement l’aliénation a lieu entre intermédiaires soumis à une surveillance prudentielle. Cela signifie en pratique que les règles de comportement de la LSFin ne trouvent pas application lorsqu’un promoteur de placements collectifs entend vendre des parts à un établissement bancaire. A l’instar de l’ancien art. 3 al. 1 LPCC, qui prévoyait que toute proposition faite notamment à une banque ne constitue pas de la distribution, la LSFin entend protéger le client final.
Avec l’entrée en vigueur de la LSFin et la modification de la LPCC, le régime d’autorisation du distributeur au sens de l’art. 13 al. 2 let. g LPCC est par ailleurs aboli. Dans ce contexte, la FINMA a écrit aux distributeurs pour les informer qu’à compter du 1er janvier 2020, leurs autorisations seront caduques. Cela étant, les distributeurs devront revoir dans quelle mesure leurs collaborateurs pourront être qualifiés de conseillers à la clientèle au sens de l’art. 3 let. e LSFin et soumis à une obligation d’enregistrement selon l’art. 28 LSFin.
L’abolition de la notion de « distribution » avec effet au 1er janvier 2020 et l’introduction d’un délai transitoire de 2 ans pour mettre en œuvre les règles de comportement de la LSFin, risquaient d’engendrer une lacune réglementaire. C’est pourquoi l’art. 105 OSFin prévoit que les règles de conduite sur le marché qui découlent tant de la LPCC que de l’autorégulation de la SFAMA continueront à s’appliquer tant et aussi longtemps que les prestataires de services financiers n’auront pas mis en œuvre les nouvelles règles de comportement de la LSFin. Le régime transitoire de l’art. 105 OSFin s’applique d’ailleurs également aux promoteurs de placements collectifs, qui débutent leurs activités de marketing entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2021. En pratique, les promoteurs de placements collectifs étrangers proposés exclusivement à des investisseurs qualifiés doivent dès lors désigner un représentant et un service de paiement au sens de l’art. 120 LPCC, même après l’entrée en vigueur de la LSFin, à moins de satisfaire aux règles de comportement de la LSFin. On relèvera finalement que l’art. 106 OSFin relatif aux exigences d’organisation définies aux art. 21 à 27 LSFin prévoit, à l’instar de l’art.105 OSFin, que les exigences organisationnelles de la LPCC et de l’autoréglementation de la SFAMA continueront à s’appliquer jusqu’à la date de la mise en œuvre des prescriptions organisationnelles de la LSFin.
Nonobstant le régime transitoire relativement long pour la mise en œuvre du nouveau cadre réglementaire, les acteurs de la gestion collective devront se pencher rapidement sur la portée pratique de l’abandon du régime de la « distribution » et l’introduction des notions d' »offre » et de « services financiers ». Il serait en effet erroné de penser que le nouveau cadre juridique applicable au marketing de placements collectifs n’apporte que des modifications formelles, à savoir des modifications de la terminologie utilisée tant dans la documentation des placements collectifs que dans les contrats de placement. Il conviendra en particulier de s’atteler à la mise en œuvre des nouvelles règles de comportement de la LSFin, dont l’application en pratique dépendra tant des services financiers rendus que de la typologie de la clientèle de chaque prestataire de services financiers.