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Les pouvoirs de la FINMA

Un vieux serpent de mer

En 2004 (deuxième rapport partiel de la Commission d’experts, « Sanctions dans la surveillance des marchés financiers »), lors de l’adoption de la LFINMA ou encore en décembre 2014 (La FINMA et son activité de réglementation et de surveillance, rapport du Conseil fédéral en réponse à divers postulats), il a été décidé de ne pas donner à la FINMA la compétence de sanctionner par le biais d’amendes. Le Conseil fédéral (rapport, p. 42) motivait sa position comme suit : « Le Conseil fédéral conclut par ailleurs qu’il n’y a pas lieu d’accorder à la FINMA le droit de prononcer des amendes. Si elle disposait de cette compétence, la FINMA devrait observer les garanties de procédure pénale […]. Cela nécessiterait de revoir en profondeur son organisation ».

En février 2022, l’on assiste à un léger changement de cap : en réponse au postulat 21.4628 (non encore traité au Conseil), le Conseil fédéral indique : (…) « il serait peut-être opportun de mener une réflexion plus approfondie  ». Proposant d’ailleurs de rejeter le postulat, il rappelle que 82 décisions d’enforcement et 140 dénonciations pénales ont été effectuées par la FINMA, preuve selon lui que le cadre existant est suffisant. Le 11 avril 2023, dans le cadre de la session spéciale du Parlement dédiée au sauvetage de Credit Suisse, une motion d’ordre a été déposée, laquelle proposait de discuter du postulat 21.4628. Elle a été rejetée.

Que montre la présente chronologie ?

Que certaines bonnes questions ont été posées par nos parlementaires.

Que certaines analyses ont été effectuées en lien avec l’efficacité des outils de surveillance, mais qu’elles demeurent incomplètes et donc que les réponses répétées du Conseil fédéral en la matière ne sont pas entièrement satisfaisantes. L’on ne peut certainement pas refuser l’octroi à la FINMA d’un outil – le pouvoir de sanction par l’amende – au motif qu’il serait coûteux à mettre en place. N’est-il pas d’ailleurs susceptible de rapporter – ce qui n’est pas l’objectif mais affaiblit davantage l’argument ? L’on aurait pu le rejeter pour des motifs d’efficacité, de politique criminelle, mais l’analyse de l’efficacité de cette sanction ne semble pas avoir été faite, ou à tout le moins pas publiée.

Le simple fait que la FINMA doive elle-même dénoncer – comme n’importe quel justiciable – à une autorité tierce (art. 50 LFINMA) les faits pénalement pertinents qu’elle constate dans le cadre de sa surveillance montre à notre sens l’inefficacité du cadre législatif y relatif.

Mais n’évaluer la FINMA que par son pouvoir d’infliger des amendes est peu pertinent, voire excessivement réducteur. Car par définition, la sanction intervient après la commission de faits potentiellement répréhensibles et parfois le dommage – non seulement économique mais aussi réputationnel – est irréparable. De plus, lier la débâcle de Credit Suisse à un outil répressif tel que l’amende n’est pas forcément des plus pertinent.

La question centrale, qui dépasse de très loin l’octroi de la compétence d’amender, se pose en des termes différents et a trait au pouvoir général de la FINMA, tant dans le cadre de son activité d’enforcement que – surtout – de surveillance.

Or, une évaluation de la FINMA et de ses pouvoirs existe, laquelle n’a que peu été citée et pourrait utilement nourrir le débat actuel et à venir : celle effectuée par le Fonds monétaire international en 2019, lequel a dressé un certain nombre de constats et effectué un certain nombre de recommandations. Dans son rapport, complété par une série de notes techniques, il apportait une analyse et des recommandations dans plusieurs domaines  (pp. 32ss) :

Autonomie de la FINMA et gouvernance (§ 32 et 34 notamment) : Selon le FMI, le législateur devrait continuer à renforcer l’autonomie, la gouvernance et la responsabilisation de la FINMA. Soulignant que les ressources en personnel de la FINMA doivent être proportionnelles à l’étendue de son mandat et à la taille du système financier suisse, le FMI rappelait que les compétences de la FINMA s’agissant de légiférer par voie contraignante d’ordonnance en matière prudentielle et de codifier la pratique en matière de surveillance par voie de circulaires ne doivent pas être affaiblis. Il recommandait aussi de ne pas sacrifier la flexibilité et l’autonomie de la FINMA par des consultations publiques trop dilutives.

Surveillance des banques (§38 et 39 notamment) : Pour le FMI, la FINMA devrait effectuer elle-même davantage de contrôles sur place orientés sur les risques tout en améliorant l’efficacité du système d’audit prudentiel. Les audits prudentiels devraient se concentrer sur les domaines clés, avec des audits donnant lieu à des opinions d’audit positives plutôt que des revues critiques. Le FMI mettait aussi en évidence un risque de conflit d’intérêts dès lors que les auditeurs externes sont rémunérés par l’assujetti. Le FMI pointait aussi du doigt une faiblesse importante en matière de gestion des risques et de contrôle : l’absence d’évaluation approfondie des conseils d’administration et de la direction des banques, faute de base légale. Le FMI recommandait aussi que la FINMA utilise ses outils d’enforcement existants de manière plus active et divulgue de manière plus complète les mesures d’enforcement individuelles et les retraits d’autorisation.

Le débat sur les pouvoirs de la FINMA étant (re)lancé, c’est donc notamment à l’aune de cette évaluation, nécessairement pondérée au vu de certains développements législatifs intervenus dans l’intervalle, qu’il convient de se pencher sur la question.

Au vu des enjeux, il paraît raisonnable de considérer que le Conseil fédéral doit entendre les questions légitimes du Parlement. Avec un peu d’ambition, il existe une possibilité de transformer les évènements récents en une opportunité de renforcer la place financière et la FINMA, au besoin en prenant des décisions fortes. Après tout, la FINMA, née en 2009, n’est pas si ancienne que cela et ses défauts de jeunesse peuvent encore être corrigés si l’on s’en donne les moyens.