Procédure pénale administrative
Levée de scellés sur un rapport d’enquête interne établi pour la FINMA
Katia Villard
L’arrêt du Tribunal fédéral 1B_92/2023 du 11 mai 2023 s’inscrit dans la ligne de la jurisprudence : au stade des scellés, le droit de ne pas s’incriminer soi-même ne s’oppose pas à l’utilisation, dans une procédure pénale (administrative), d’un rapport d’enquête interne établi par une banque en faveur de la FINMA. Le cas d’inexploitabilité de la preuve n’est pas manifeste et la question doit donc être traitée par le juge du fond.
En 2017, la FINMA adresse au Département fédéral des finances (DFF) une dénonciation pénale pour violation de l’obligation de communiquer un soupçon de blanchiment d’argent (art. 37 LBA) au sein d’une banque. À l’appui de la dénonciation, est joint, dans une version caviardée, un rapport d’enquête interne que la banque avait remis à la FINMA sur la base de son obligation de collaboration (art. 29 LFINMA). Le rapport contenait des éléments de fait et une appréciation juridique de la situation, effectuée par la banque elle-même. C’est cette deuxième partie que la FINMA a caviardée.
En 2021, le DFF ouvre une procédure pénale administrative contre inconnu pour violation du devoir d’annonce. Par mandat de renseignements et d’édition, il requiert de la banque divers documents. Celle-ci les produit sur une clé USB dont elle demande simultanément la mise sous scellés. Le DFF et la banque se sont accordés sur le sort de certaines pièces, mais non sur d’autres, en particulier le rapport d’enquête interne – dans sa version intégrale – établi pour la FINMA. La Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral admet la levée des scellés sur le document. La banque saisit le Tribunal fédéral qui rejette le recours.
Elle fait valoir que le rapport a été réalisé sur demande de la FINMA dans le cadre de ses obligations en matière de renseignements et d’annonce au sens de l’art. 29 LFINMA. La violation de ces devoirs l’exposait aux sanctions pénales des art. 49 al. 1 let. b LB et 45 LFINMA. La première disposition punit d’une amende celui qui, intentionnellement, omet de fournir à la FINMA les informations qu’il était tenu de lui communiquer. La seconde réprime la fourniture de fausses informations à la FINMA.
Le Tribunal fédéral relève que la LFINMA ne prévoit pas de sanctions pénales en cas de refus d’informer au sens de l’art. 29 LFINMA et que le destinataire de cette dernière disposition – qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale – dispose d’un droit de refuser de collaborer en cas de risque pénal. Effectuant (visiblement) une distinction entre « se taire » et « mentir », les juges de Mon Repos indiquent que la violation de l’art. 29 LFINMA n’est pas sanctionnée par l’art. 45 LFINMA. Quant à l’application de l’art. 49 al. 1 let. b LB, le Tribunal fédéral « botte en touche ». Il se contente de relever que la banque, assistée de deux mandataires professionnels, ne prétend pas avoir fait usage de son droit de taire devant la FINMA et semble avoir, en outre, spontanément fourni au régulateur des évaluations et appréciations juridiques de la situation, ce qui allait, selon ses propres indications, au-delà de ses obligations LBA. Les Juges de Mon Repos en concluent que « [s]ans autre explication, on ne saurait (…) retenir que ces éléments supplémentaires auraient été transmis sous contrainte d’une sanction pénale ».
Ce commentaire est l’occasion de souligner qu’à compter de l’entrée en vigueur de la révision du code de procédure pénale suisse, prévue en l’état au 1er janvier 2024, le principe nemo tenetur se ipsum accusare ne sera plus un motif de mise sous scellés. En effet, si l’actuel art. 248 al. 1 CPP, relatif à la procédure de scellés, renvoie au « droit de refuser de déposer », la référence disparait de la nouvelle mouture de la disposition. Cette dernière fait coïncider les motifs de mise sous scellés avec les interdictions, respectivement restrictions, de séquestre de l’art. 264 al. 1 let. a à d CPP, qui ne mentionnent pas le droit de garder le silence de l’art. 113 CPP.
Cela étant, le Tribunal fédéral ne pouvait, à notre sens, faire l’économie d’examiner l’applicabilité de l’art. 49 LB, en lien avec la pratique de la FINMA qui accorde à ses assujettis un droit de ne pas lui livrer des déclarations auto-incriminantes sur le plan pénal. En effet, si cette pratique de la FINMA exclut, dans un cas comme celui d’espèce, l’art. 49 LB, le résultat du Tribunal fédéral nous parait, à tout le moins au stade des scellés, correct. La réponse est différente si la norme pénale devait trouver application nonobstant le droit de se taire devant la FINMA (ce qui consacrerait d’ailleurs, nous semble-t-il, une contradiction entre la pratique et la loi). Dans cette dernière hypothèse en effet, la banque est bel et bien obligée de collaborer sous menace d’une sanction pénale, de sorte que le résultat de cette coopération doit être considéré comme manifestement inexploitable à charge de la banque.