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Watchlist de la FINMA

Les limites du droit d’accès selon l’aLPD

Obtenir les extraits pertinents de la base de données nécessaire à l’évaluation des garanties d’une activité irréprochable de la FINMA (anciennement Watchlist) est un véritable chemin de croix pour un employé ayant provisoirement renoncé à exercer une activité soumise à la FINMA. Le Tribunal administratif fédéral (TAF) confirme que l’art. 8 aLPD (désormais art. 25 LPD) ne permet pas d’accéder aux documents ayant justifié l’inscription sur la Watchlist dans la même mesure que dans le cadre d’une véritable procédure au fond visant à déterminer si un individu offre toutes les garanties d’une activité irréprochable (procédure de Properness, en allemand Gewährsverfahren  ; arrêt B-915/2022 du 3 avril 2024).

L’employé responsable d’un marché au sein d’une banque de 2000 à 2015 est inscrit dans la Watchlist sur la base d’un rapport d’enquête interne de son ancien employeur concernant la période allant de janvier 2009 à mai 2017.

Le 8 janvier 2021, l’employé demande la divulgation complète des données le concernant figurant dans la Watchlist (sur la base de l’art. 8 aLPD) et des renseignements sur l’existence de motifs qui s’opposeraient à certaines activités futures.

La FINMA lui communique des extraits du rapport d’enquête interne le concernant et de certaines de ses annexes (soit ses données personnelles au sens de la LPD) avec de nombreux caviardages concernant des tiers ou des informations générales sans lien direct avec lui (données factuelles, Sachdaten). Conformément à sa pratique, la FINMA ne lui transmet aucun renseignement sur la possibilité de reprendre une activité soumise à autorisation (et ne rend donc aucune décision sur sa Properness).

La FINMA met environ une année pour rendre une décision formelle rejetant la demande subséquente d’effacement de l’inscription dans la Watchlist et refuse d’octroyer un accès plus large au rapport d’enquête interne et à ses annexes (le Rapport). L’employé requiert principalement l’annulation de la décision et le renvoi de la cause à la FINMA pour nouvelle décision et subsidiairement un accès intégral au Rapport à lui transmettre sans caviardage.

En substance, le TAF rejette le recours et tranche les deux points suivants :

L’absence d’information et d’accès ne conduit pas à l’effacement de l’inscription dans la Watchlist

L’employé justifie la demande de renvoi à la FINMA par une violation de son droit d’être entendu dans la mesure où l’accès complet au Rapport aurait dû, selon lui, être octroyé sur la base de l’art. 26 PA.

Le TAF retient que si les deux normes (art. 26 PA et art. 8 aLPD) visent à concrétiser la protection de la personnalité du recourant, un accès complet n’est en principe possible que dans le cadre d’une procédure de Properness. Il contreviendrait ainsi au système légal de permettre au recourant de prendre connaissance des documents dans la procédure de recours (en lien avec l’art. 8 aLPD) sur la base de l’art. 26 PA.

L’inscription sur la Watchlist est in casu intervenue avant l’entrée en vigueur de l’actuel art. 12 de l’Ordonnance de la FINMA sur les données qui oblige la FINMA à informer la personne concernée de son inscription. Après examen, le TAF parvient à la conclusion que l’absence de notification, même illicite, n’a toutefois pas pour effet d’entraîner l’effacement de l’inscription.

Une demande selon l’art. 8 aLPD ne permet pas un accès illimité aux documents

L’employé fonde sa demande sur l’art. 8 aLPD qui permet à toute personne de demander au maître d’un fichier de données si des données la concernant sont traitées. La demande ne vise donc que les données personnelles du demandeur à qui il appartient d’apporter des éléments qui indiquent que son droit d’accès n’a pas été respecté.

La deuxième Cour du TAF (qui ne tranche usuellement pas les violations de la LPD) ne consacre qu’un seul considérant à l’important caviardage opéré par la FINMA et retient que le droit d’accès n’a pas pour but de permettre au recourant de comprendre complètement le Rapport pour pouvoir se déterminer de manière circonstanciée sur celui-ci. Sous l’angle de la LPD, il ne s’agit que de lui transmettre ses données personnelles traitées par la FINMA.

Cet arrêt appelle plusieurs commentaires :

  • Bien que cet arrêt ait été rendu sous le régime de l’aLPD et de l’ancienne Ordonnance de la FINMA sur les données, le nouveau droit ne devrait pas amener un résultat foncièrement différent.
  • L’ancien employé confronté à cette problématique ne peut souvent pas se permettre de passer par une longue procédure de Properness vis-à-vis de son potentiel nouvel employeur. Dans ce contexte, la demande fondée sur l’art. 8 aLPD/25 LPD constitue un moyen efficace de prendre connaissance des reproches ayant conduit à l’inscription sur la Watchlist. Cet arrêt confirme toutefois que la demande fondée sur l’aLPD/LPD ne saurait malheureusement remplacer la procédure de Properness.
  • La distinction entre données personnelles et factuelles opérée par la FINMA n’est ni développée ni remise en cause par le TAF, bien que tant le recourant que son mandataire n’aient pas pu prendre connaissance des passages caviardés du Rapport.
  • Il serait souhaitable que la FINMA prévoie des moyens tant pour éviter de longues et couteuses procédures de Properness que pour respecter les droits d’accès des personnes concernées (cf. art. 13 al. 2 Cst.). L’un des moyens envisageables serait de permettre une consultation au siège de la FINMA uniquement par l’avocat afin que ce dernier puisse renseigner utilement son client sur les chances de succès d’une éventuelle procédure de Properness. En gardant à l’esprit les exigences relatives au devoir de rendre compte de l’avocat.