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Conséquences de la présentation d'un document non authentique dans le cadre d'une lettre de crédit standby (ou d'un accréditif)

Le Tribunal fédéral vient de rendre un arrêt intéressant en matière de lettre de crédit standby, arrêt destiné à la publication.
Dans l’affaire qui lui était soumise, notre Haute Cour devait déterminer si le paiement effectué par une banque (suisse) confirmatrice d’une lettre de crédit standby (soumise aux anciennes RUU 400) en faveur d’un bénéficiaire (suisse également) lui ayant présenté un faux document était dû ou non. La réponse à cette question devait lui permettre de juger du bien fondé de l’action en répétition de l’indu intentée par la banque confirmatrice contre le bénéficiaire pour récupérer la somme payée en vertu de ladite lettre de crédit standby.
Cet arrêt a donné l’occasion au Tribunal fédéral (à notre connaissance, pour la première fois) d’exposer que les principes de base régissant le crédit documentaire, à savoir ceux de l’abstraction et de la rigueur documentaire, s’appliquent également à la lettre de crédit standby (instrument dont on sait qu’il revêt les caractéristiques du crédit documentaire mais remplit une fonction de garantie). De même, le principe de l’interdiction de l’abus de droit (art. 2 al. 2 CC) doit trouver application en cas d’appel abusif à une lettre de crédit standby.
Sur ce dernier point, notre Haute Cour a repris telle quelle la définition de la notion d’abus de droit formulée dans son récent arrêt consacré aux conséquences de la fraude dans le crédit documentaire à paiement différé (ATF 130 III 462, 470 consid. 6.1). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral indiquait en effet que « le bénéficiaire abuse de l’accréditif lorsqu’il sait ou doit savoir qu’il n’a aucun droit actuel ni futur à l’encontre du donneur d’ordre ». On pouvait penser, à la lecture de cette définition, que le Tribunal fédéral faisait éventuellement sienne une approche subjectiviste de la fraude en exigeant que la mauvaise foi du bénéficiaire soit démontrée pour pouvoir conclure à un abus de droit de la part de ce dernier. Cela étant, cette définition ne permettait pas, à elle seule, de déterminer avec certitude si les juges de Mon-Repos entendaient rejeter une approche objectiviste de la notion d’abus de droit.
La présente affaire était donc l’occasion pour le Tribunal fédéral de clarifier cette question. Qu’a-t-il décidé dans le cas d’espèce ? Il a admis l’action en répétition de l’indu de la banque confirmatrice en considérant que le paiement effectué par cette dernière n’était en réalité pas dû, et ce pour le seul motif que l’un des documents présentés par le bénéficiaire s’était révélé être un faux. Le Tribunal fédéral s’est, semble-t-il, fondé sur l’art. 2 al. 2 CC pour conclure au caractère abusif de l’appel à la lettre de crédit standby. Ce faisant, il n’a pas examiné (du moins rien ne l’indique dans l’arrêt) la question de savoir si le bénéficiaire avait ou non conscience du fait que l’un des documents qu’il présentait pour obtenir son paiement était dénué d’authenticité. Faut-il en conclure que notre Haute Cour s’en tient à une notion objective de l’abus de droit ? Une telle conclusion serait hâtive, puisque dans le cas d’espèce on pouvait partir de l’idée que le bénéficiaire était de mauvaise foi ; en effet, il était peu vraisemblable que le document non authentique – un billet à ordre souscrit par le donneur d’ordre de la lettre de crédit standby et non honoré par ce dernier – ait pu être falsifié à l’insu du bénéficiaire.
Quoi qu’il en soit, une approche objective de la notion d’abus de droit devrait, selon nous, être approuvée : en effet, seul doit compter le fait que le document n’est pas authentique. La banque désignée n’a pas à se préoccuper de savoir qui est l’auteur du faux (et, d’ailleurs, comment pourrait-elle le déterminer sauf à lui prêter des talents divinatoires ?). La bonne foi du bénéficiaire, ignorant par hypothèse le défaut d’authenticité ou de sincérité d’un des documents qu’il présente, ne saurait donc guérir une situation objectivement viciée. A cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé opportunément dans cet arrêt que l’accréditif « n’a[vait] pas pour objet de reporter sur la banque le risque d’un éventuel défaut d’authenticité des documents ».