OPCVM : Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement…
Lionel Aeschlimann
Le Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières (CERVM, mieux connu sous son acronyme anglais CESR) a récemment mis en consultation un projet d’avis (réf. 05-064b) à la Commission. Son objet ? clarifier les définitions des actifs dans lesquels les OPCVM peuvent investir. Ouverte jusqu’au 10 juin 2005, cette consultation intéressera l’industrie suisse des fonds, non seulement en relation avec les fonds européens coordonnés que celle-ci gère ou distribue, mais également pour les fonds suisses en valeurs mobilières, dont les règles de placement sont calquées sur les règles européennes.
Les Etats membres de l’Union européenne (UE) avaient jusqu’au 13 février 2004 pour transposer en droit national les Directives 2001/107/CE (dite Directive services) et 2001/108/CE (dite Directive produits). Cette dernière avait principalement pour but d’étendre le champ des placements admis pour les OPCVM. Ainsi, un OPCVM peut désormais investir, outre dans des actions ou des obligations, dans des dépôts bancaires, des instruments du marché monétaire, des produits dérivés ou des parts d’OPCVM et d’autres organismes de placement collectif. Un OPCVM peut en outre gérer ses actifs en reproduisant des indices d’actions ou d’obligations (index-tracker funds).
La Commission, suivant en cela des appels de l’industrie européenne des fonds, a estimé qu’il était urgent de clarifier certaines des définitions applicables aux OPCVM. Il en va de l’application uniforme du droit au sein des différents Etats de l’UE. Ainsi, à la demande de la Commission, le CERVM s’est en particulier penché sur les questions suivantes :
-Quels sont les facteurs permettant un OPCVM de qualifier un instrument financier de « valeur mobilière » ? les critères suivants sont proposés : la liquidité du produit, son évaluation, les informations disponibles et les éventuelles restrictions à sa transmissibilité. Pour le CERVM, des règles analogues devraient s’appliquer aux produits structurés, outre les règles spécifiques applicables aux dérivés.
-Un OPCVM peut-il investir dans des fonds fermés (closed end funds) ? A cette délicate question, le CERVM propose une réponse positive, à la condition toutefois que les mêmes critères de liquidité, d’évaluation, d’information et de transmissibilité décrits ci-dessus soient réunis. Un OPCVM ne pourrait ainsi en pratique investir dans des fonds fermés qu’à la condition que ceux-ci soient cotés. En outre, le CERVM suggère que des conditions supplémentaires soient réunies, telles l’absence d’investissement en cascades, l’existence de règles suffisantes en matière de protection des investisseurs et l’assurance que l’investissement n’a pas pour but de contourner les règles de placement applicables aux OPCVM.
-Quel cadre s’applique à un investissement dans des instruments du marché monétaire (IMM) non traités sur un marché réglementé ? Sur ce sujet également, le CERVM propose une approche flexible, en constatant que l’admission d’un IMM sur un marché réglementé ne crée qu’une présomption de liquidité. C’est à l’OPCVM qu’il appartient d’admettre des IMM non admis sur un marché réglementé s’il parvient à la conclusion que l’instrument est suffisamment liquide et qu’il peut être évalué correctement. Toujours en matière d’IMM, on notera au passage que le CERVM propose de présumer que les règles prudentielles applicables à des établissements sis dans l’EEE ou un pays membre du G10 (qui inclut, outre la Suisse, les USA, le Canada et le Japon) sont « au moins aussi strictes que celles prévues par la législation communautaire ».
-Quand peut-on partir du principe que des techniques et instruments sont bien employés aux fins d’une « gestion efficace du portefeuille » ? Selon le CERVM, la gestion doit être considérée comme efficace lorsque les transactions sont économiquement appropriées (notamment en termes de coûts) et qu’elles visent l’un des objectifs suivants : réduire les risques, réduire les coûts ou générer des gains ou revenus supplémentaires pour l’OPCVM, tout en demeurant à un niveau de risque acceptable.
-Le CERVM fournit ensuite une série de critères destinés à clarifier le cadre dans lequel un placement dans des instruments dérivés est admissible pour un OPCVM. Il confirme l’admissibilité de principe des dérivés sur crédits, à certaines conditions toutefois. Outre les conditions propres aux produits, on notera avec intérêt les suggestions du CERVM quant aux exigences d’organisation, de compétences et de systèmes de contrôle du fonds. Un chapitre intéressant alors que l’OFP-CFB vient d’être modifiée pour inclure expressément les dérivés de crédit.
On saluera cette initiative qui vise à clarifier les définitions souvent obscures des textes juridiques applicables aux fonds de placement, tout en attendant avec impatience les résultats de la consultation…