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L'activité d'octroi de crédit tombe-t-elle sous le régime de la libre prestation de services ?

Une actualité du Centre d’études juridiques européennes rédigée par Simon Hirsbrunner et Simone Seidl et résumée ci-après, se penche sur le récent arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes dans l’affaire C-452/04, Fidium Finanz c. Bundesanstalt für Finanz-dienstleistungsaufsicht.
L’arrêt revêt une grande importance pour les banques et les instituts de crédit suisses. Fidium Finanz, une société anonyme de St-Gall, proposait via Internet de petits crédits à des clients établis en Allemagne. Vu, toutefois, le défaut d’autorisation et l’absence de présence physique en Allemagne, requises par la loi allemande, l’autorité de surveillance des prestations financières allemande a interdit à Fidium Finanz d’effectuer des opérations de crédit en Allemagne. Considérant que ces exigences représentent une restriction à la libre circulation des capitaux, liberté dont les entreprises établies dans un pays tiers bénéficient en vertu de l’article 56 CE, la société sainte-galloise a saisi la justice allemande. Celle-ci a soumis à la Cour de justice quatre questions préjudicielles.
La Cour de justice n’a examiné que la première de ces questions, celle de savoir si une entreprise établie dans un État tiers peut se prévaloir de la libre circulation des capitaux dans le cadre de son activité professionnelle d’octroi de crédit à des résidents communautaires, ou si le démarchage, la fourniture et l’exécution de ces services relèvent uniquement de la libre prestation de services. Dans un premier temps, elle a conclu que cette activité se rapportait tant à la libre circulation des capitaux qu’à la libre prestation de services au sens de l’art. 49 CE. Ensuite, afin de déterminer lequel des deux régimes de liberté s’appliquait in casu, la Cour a examiné dans quelle mesure les exigences posées par le droit allemand pour exercer l’activité d’octroi de crédit à titre professionnel affectaient l’exercice de ces deux libertés. Selon la Cour, c’est la libre prestation de services visée aux articles 49 et suivants qui est affectée de manière prépondérante. Il en découle qu’une entreprise établie dans un État tiers ne saurait invoquer ces dispositions. La Cour n’a donc pas suivi la position de l’avocate générale qui défendait dans ses conclusions l’applicabilité par priorité des dispositions sur la libre prestation des capitaux et ce même lors de l’examen des mesures nationales en cause.
Selon les deux commentateurs, la décision de la Cour de justice est surprenante à plusieurs égards. D’une part, elle confère un poids plus important à la préparation de l’octroi d’un crédit qu’à la mise à disposition des fonds elle-même. D’autre part, dans son argumentation, la Cour s’appuie sur sa jurisprudence ayant peu de points communs avec le cas en espèce. Les commentateurs regrettent, en outre, que la distinction entre les instituts de crédit contrôlés et non contrôlés, soulevée par l’avocate générale, ait été complètement ignorée par la Cour (Fidium Finanz n’était pas surveillée en Suisse). S’interrogeant sur la portée de l’arrêt, les deux auteurs arrivent à la conclusion que ces principes pourraient s’appliquer à tous les opérateurs financiers suisses souhaitant accorder les crédits à des résidents d’un État membre de l’UE, qu’ils soient soumis à la surveillance de la Commission fédérale des banques ou non. Si les motifs de l’arrêt laissent à penser que la Cour souhaite appliquer la libre circulation des capitaux aux services financiers pour lesquels l’élément de la circulation du capital prévaut sur celui de la prestation de services, l’identification de ces services financiers laisse toutefois perplexe. Et aux deux auteurs d’observer, au vu de la récente jurisprudence communautaire, une tendance plus restrictive vis-à-vis des entreprises d’États tiers.