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Rapport critique de la Commission européenne sur la transposition de la directive

Après environ 15 ans de gestation difficile, la 13e Directive (cf. actualité n. 209 du 2 juin 2004->art209]) entrée en vigueur en mai 2004 — et dont le délai de transposition était fixé au 20 mai 2006 — n’a pas rempli ses promesses ; un [rapport de la Commission européenne basé sur une enquête auprès des pays membres fait apparaître une application décevante, car restrictive et pusillanime.
La Directive est fondée sur un compromis et représente un dénominateur commun minimum, alors que ses buts proclamés sont ambitieux : favoriser les acquisitions frontalières, promouvoir indirectement la qualité de la gouvernance, la compétitivité des entreprises. Dans ce contexte, les auteurs visaient à restreindre le plus possible les mesures de défense en imposant au conseil d’administration une attitude neutre (article 9, obligations de l’organe d’administration) et en prévoyant une levée des restrictions au transfert de titres durant la période d’offre (article 11, neutralisation des restrictions). Ces règles ont toutefois été laissées à l’appréciation des Etats membres dans la Directive finalement adoptée après qu’une version antérieure plus musclée eut échoué.
L’examen de la transposition fait apparaître, de manière hélas prévisible, que les Etats ont choisi avec une certaine constance les solutions les moins contraignantes et usé, si ce n’est abusé, des possibilités de dérogations. A cet égard, on peut relever une certaine diligence dans la transposition de la Directive, même si certains membres n’ont pas encore achevé leurs travaux.
C’est ainsi que la Commission constate qu’un seul Etat qui ne connaissait pas auparavant l’obligation de neutralité du conseil d’administration (Malte) l’a introduite, mais que parmi les Etats qui imposaient déjà cette obligation, certains ont maintenant saisi l’occasion d’atténuer celle-ci par l’introduction d’une clause dite de « réciprocité » ; cette clause est un mécanisme qui permet aux sociétés confrontées à un offrant qui ne connaît pas d’obligation de neutralité de recourir à des mesures analogues et fournit ainsi une plus grand marge de manœuvres au conseil d’administration de la société cible. Cette possibilité est « justifiée » par la nécessité de recréer un level playing field. Il en résulte paradoxalement un affaiblissement de la position des actionnaires minoritaires et de nouvelles barrières pour les OPA.
En matière de neutralisation des restrictions au transfert des titres pendant une offre, la Commission doit constater que la très grande majorité des Etats n’a pas rendu ce concept obligatoire, tout au plus en ont-ils ouvert la possibilité aux sociétés cotées. L’Allemagne a toutefois supprimé certains votes multiples, la France et l’Italie qui avaient introduit cette neutralisation ne l’ont pas supprimée.
Enfin, en matière d’offre obligatoire, moyen ultime de protection des actionnaires, la Commission met en exergue une fois encore l’utilisation des possibilités de flexibilité offertes par la Directive, en particulier en matière de dérogations à l’obligation de présenter une offre tant au niveau légal que de l’autorité de surveillance (cf. l’annexe 3 au rapport du 21 février 2007). De même, le seuil dont le franchissement déclanche une offre est-il défini de manière divergente, à des niveaux oscillant entre 25 et 67 %.
Le 27 février 2007, lors de la présentation du rapport, le Commissaire au marché intérieur McCreevy a déploré que l’attitude protectionniste de certains Etats ait entraîné les autres et il a ajouté : « ( ..) si cette tendance se poursuit, il y a un risque réel que les entreprises qui lancent une OPA soient confrontées à d’avantages d’obstacles, et non à moins. Cela va complètement à l’encontre de la Directive ». La Commission n’a cependant pas l’intention de proposer des modifications, mais va étudier les effets réels des nouvelles règles nationales dans les années à venir.
Dans mon actualité de 2004, j’ai fait allusion au chiffre 13 et annoncé une nouvelle saga ; le premier épisode n’est pas encourageant.