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La CFB publie son rapport

Dans un rapport publié le 10 septembre 2007 (en allemand), la CFB procède à une analyse détaillée du marché des hedge funds, des risques qui leur sont attachés et des opportunités qu’ils représentent pour la place financière suisse. Ce faisant, notre autorité de surveillance apporte une contribution réfléchie et mesurée aux débats trop souvent passionnés qui agitent la scène au niveau international.
Après avoir rappelé qu’il n’existait pas de définition reconnue des hedge funds, la CFB énumère les principaux éléments qui souvent les caractérisent : grande liberté en matière de politique d’investissement, recours à l’effet de levier (leverage), possibilité de ventes à découvert (short selling), investissement du gestionnaire dans les fonds qu’il gère, perception de commissions de performance, investissement minimum élevé, liquidité réduite.
La CFB confirme ensuite que la Suisse a joué jusqu’ici un rôle plutôt modeste en matière d’implantation des hedge funds eux-mêmes comme de leurs gérants. L’essentiel des hedge funds sont en effet domiciliés dans des juridictions offshore, tels les Iles Caïmans ou les Bermudes, tandis que leurs gestionnaires résident aux Etats-Unis ou à Londres (seuls une cinquantaine seraient présents dans notre pays). S’agissant du placement des parts de hedge funds, la Suisse occupe en revanche une place très importante.
Partant de cette photographie du marché, la CFB s’attache à analyser les différents risques que les hedge funds font courir aux investisseurs et aux places financières. La première catégorie de risques étudiée, assurément la plus importante en raison de ses implications macro-économiques, est celle des risques systémiques. Après avoir constaté que les hedge funds participent de manière positive à une saine allocation des capitaux et des risques et contribuent à la liquidité et par conséquent à l’efficacité des marchés, la CFB note qu’ils peuvent affecter la stabilité du système financier de manière directe – par les nombreuses relations qu’ils entretiennent avec les banques, en particulier lorsque ces dernières agissent comme prime broker – et indirecte, soit en particulier lorsque la faillite d’un fonds entraîne une crise de liquidité.
La CFB observe que l’amélioration des processus de gestion des risques au sein des établissements bancaires, couplée à une diminution (temporaire ?) des effets de levier, conduisent à une réduction du risque systémique. Elle étudie ainsi les causes des crises des fonds LTCM et Amaranth et conclut que le développement de bonnes pratiques au sein des prime brokers – en matière d’analyse, de gestion et de contrôle des risques de contrepartie des hedge funds – devrait suffire à limiter les risques de débâcles en chaîne. Elle insiste à plusieurs endroits sur la nécessité pour les banques de mettre en place un système de gestion et de contrôle des sûretés (collateral management system) destiné à leur permettre de mieux contrôler leurs risques de crédit.
De façon tout à fait intéressante, la CFB se réfère à la récente déroute de deux fonds gérés par la banque d’investissement américaine Bear Stearn, en soulignant que les marchés attendent aujourd’hui que les banques promotrices de tels produits injectent des fonds ou prennent d’autres mesures de sauvetage en cas de difficultés des hedge funds (bailout). Sans bien entendu conclure à l’existence d’un « devoir de fait » de sauvetage (analogue à la « faktische Beistandspflicht » dans les groupes bancaires), on peut s’attendre pour les groupes bancaires et financiers à un renforcement des devoirs de gestion consolidée des risques.
La CFB conclut de cette analyse qu’à ce stade et en matière de gestion du risque systémique, la surveillance indirecte des hedge funds par leurs contreparties bancaires (principalement les prime brokers) paraît suffisante. En porte-à-faux avec les discours souvent catastrophistes dont les médias se sont fait l’écho, la CFB est ainsi d’avis que les expériences passées n’appellent pas de réglementation directe plus stricte des hedge funds.
Sa conclusion est tout aussi mesurée en matière de risques juridiques et réputationnels (délits d’initiés, manipulations de cours et autres abus de marché), dont la CFB estime qu’ils constituent, à côté des risques systémiques, l’autre grande catégorie de risques liés aux hedge funds. Elle relève ainsi que le secteur des hedge funds n’est pas plus exposé qu’un autre à la problématique générale de l’intégrité des marchés et qu’une réglementation spécifique aux hedge funds n’est ainsi pas requise.
Attentive à la compétitivité de la place financière suisse, notre autorité de surveillance regrette au passage l’approche restrictive de la nouvelle Loi sur les placements collectifs de capitaux en matière de surveillance des gérants suisses de fonds étrangers. Un gestionnaire suisse de fonds étranger ne peut être soumis à surveillance qu’à des conditions restrictives ; bien que cela représente un progrès indiscutable par rapport à la situation antérieure, ce système freine encore la venue en Suisse de gérants de hedge funds. De nombreux investisseurs, principalement des fonds de pension, ne peuvent en effet qu’investir dans des hedge funds dont les gestionnaires sont soumis à surveillance prudentielle. On voit là assurément les limites des spécificités du système suisse en matière de surveillance prudentielle des gestionnaires de fortune.
Enfin et dans le même esprit d’ouverture économique, notre autorité s’unit aux nombreuses autres voix qui se sont déjà élevées dans notre pays depuis le début de l’année pour déplorer l’absence de conditions-cadre compétitives au niveau fiscal pour inciter les gestionnaires de hedge funds à venir s’établir en Suisse.
En résumé, le rapport de la CFB sur les hedge funds apparaît comme un intéressant état des lieux du secteur, de ses risques et de ses opportunités, à la fois sérieux et tempéré dans son analyse, avec une touche bienvenue de dynamisme dans ses conclusions. Sans aucun doute la confirmation des vents nouveaux…