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Nouvelle circulaire de la CFB

Le 1er mai 2008 entrera en vigueur la Circ.-CFB 08/1 Règles de conduite sur le marché. Visant à prévenir les abus de marché, cette circulaire porte sur un sujet jugé comme prioritaire par la CFB. Remplaçant le très controversé projet de circulaire sur les abus de marché de décembre 2003, la nouvelle mouture de circulaire, bien que mieux circonscrite, ne s’en écarte finalement que peu. Elle est publiée par la CFB alors même qu’une commission d’experts, placée sous la direction du Département fédéral des finances, devrait rendre, cet automne, un rapport sur la réglementation en matière de délits boursiers et d’abus de marché, rapport dont l’un des objets consistera à déterminer quelles autorités devraient être compétentes pour poursuivre ce type de délits (voir à ce sujet la feuille d’information du DFF).
La Circ.-CFB 08/1 s’inscrit dans le prolongement de l’arrêt du Tribunal fédéral Biber Holding SA du 2 février 2000. Même si elle se réfère toujours aux normes générales des art. 1 et 6 de la loi sur les bourses (LBVM), ses exigences découlent avant tout de l’obligation de présenter toutes garanties d’une activité irréprochable au sens des art. 3 al. 2 lit. c LB, 10 al. 2 lit. d LBVM et 14 al. 1 lit. a LPCC. Même s’il n’est, techniquement parlant, pas juridiquement contraignant, ce texte affiche néanmoins ses ambitions dès son chapitre introductif : il est censé non seulement faire état de la pratique de la CFB, mais bien d’ « établi[r] des règles de conduite pour tous les intermédiaires financiers soumis à surveillance dans le domaine du négoce des valeurs mobilières ». Les organes de révision statutaires devront en vérifier le respect et communiquer toute entorse à la CFB, tout en la mentionnant dans leur rapport.
Basée sur l’énoncé de principes directeurs, plutôt que sur l’énumération d’une casuistique détaillée, la Circ.-CFB 08/1 énonce les comportements prohibés, tout en précisant pour chaque groupe d’entre eux les pratiques de marché considérées comme admissibles (accepted market practices). Ce faisant, elle suit l’approche européenne, telle qu’on la trouve dans la Directive 2003/6/CE du 28 janvier 2003 sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché) et ses textes d’application.
La Circ.-CFB 08/1 confirme tout d’abord, comme premier principe, que le négoce de valeurs mobilières doit s’effectuer sur la base d’informations publiées ou accessibles au public. C’est le principe de l’interdiction de l’usage abusif d’informations. Toutes les autres informations, qualifiées de confidentielles, ne peuvent être utilisées en vue d’effectuer des opérations sur valeurs mobilières dès lors qu’elles sont susceptibles d’avoir une influence sur les cours. La définition des informations susceptibles d’influencer sensiblement le cours des titres rejoint celle qui prévaut en matière de publicité événementielle. La divulgation injustifiée d’informations confidentielles n’est pas non plus autorisée. Il en va de même de l’utilisation d’une réaction attendue de la part des participants au marché en ayant connaissance de la publication prochaine de recommandations d’investissement (scalping). Par contre, sont notamment admises les opérations hors d’un périmètre de confidentialité séparé, celles qui, nonobstant la connaissance d’informations confidentielles, auraient été effectuées sans celle-ci, les achats de titres d’une société cible par un acquéreur potentiel ou un tiers mandaté en vue de préparer une offre publique d’acquisition, la poursuite d’une stratégie d’investissement préalable mise en place indépendamment des informations confidentielles, les rachats d’actions dans le respect de la Communication n° 1 de la Commission des OPA, etc.
Le second principe est que toute opération sur valeurs mobilières doit présenter une justification économique. Les transactions fictives, tout comme les ordres saisis dans le but de créer l’apparence d’une activité de négoce, sont interdites. Il s’agit des cas dits de manipulations de marché. Tombent en particulier dans cette catégorie les achats ou ventes d’un même titre pour le compte d’un seul et même ayant droit (wash trade), les opérations croisées d’achat et de vente d’une même valeur mobilière sur le compte propre d’un négociant (nostro-nostro inhouse crosses), les altérations de liquidité et de prix provoquées, de manière intentionnelle, par un excès d’ordres d’achat ou de vente (ramping, capping, pegging), la constitution de positions importantes dans le but de rétrécir le marché (squeeze ou corner).
A l’instar de ce que permet le droit européen, les opérations de stabilisation de cours sont toutefois admises, à certaines conditions. Il en va de même des matched orders, lorsqu’ils sont économiquement fondés et autorisés.
Troisième principe, toute diffusion d’informations fausses, incomplètes ou trompeuses à propos de valeurs ou d’émetteurs dans le but de tromper d’autres participants au marché est bannie. Sont visées les tromperies de marché.
Le quatrième principe est le plus général : toutes opérations sur valeurs mobilières doivent être exécutées conformément au principe de la bonne foi. La circulaire renvoie ici notamment aux règles de conduite de l’art. 11 LBVM et à leur concrétisation par l’Association suisse des banquiers (ASB). Sont ainsi en particulier interdits les cours coupés (Kursschnitt), l’exploitation de la connaissance d’ordres de clients pour exécuter préalablement ou en parallèle des transactions pour compte propre (front ou parallel running). Par contre, l’exécution interne de transactions contre les positions propres du négociant ou contre des ordres de clients sont admissibles, pour autant que le principe de la best execution soit respecté. L’internalisation systématique, érigée en mode alternatif d’exécution des ordres par la MiFID, se voit ainsi reconnaître expressément.
Pour le surplus, la circulaire contient un chapitre VII consacré aux mesures organisationnelles que doivent adopter les négociants notamment pour pouvoir contrôler efficacement les flux d’informations et détecter les comportements abusifs. Parmi ces mesures figurent non seulement la mise en place de chinese walls, mais également l’adoption de watch lists (contenant les indications sur les informations confidentielles en possession du négociant) et de restricted lists (contenant les interdictions internes de négocier certains titres). Les négociants doivent également édicter des directives internes en matière de surveillance des transactions pour compte propre des collaborateurs. Ils doivent en outre procéder de manière équitable lors de l’attribution de valeurs mobilières lors d’introduction en bourse et respecter les règles de l’ASB en la matière. Les conversations téléphoniques tant externes qu’internes des collaborateurs travaillant dans le négoce des valeurs mobilières doivent par ailleurs être enregistrées et conservées pendant une durée minimale de six mois. Il en va de même des e-mails.
Enfin, on notera un intéressant chiffre 5, qui s’est glissé dans le texte final de la circulaire : en présence d’indices selon lesquels des opérations sur valeurs mobilières pour le compte de clients ne sont pas compatibles avec les exigences de la circulaire, les négociants sont dans l’obligation d’en rechercher les causes et, le cas échéant, de renoncer à participer aux opérations en question. Contrairement à ce qui prévaut à l’étranger, notamment au sein de l’UE, la CFB n’a pas compétence pour surveiller les émetteurs, les investisseurs et autres clients des banques. La Circ.-CFB 08/1 ne s’applique donc qu’aux banques, négociants et titulaires d’une autorisation au sens de la LPCC. Même si les banques ne sont pas responsables des opérations de leurs clients, elles devront donc s’abstenir en cas de doute (de soupçons fondés ?) quant aux motivations de ces derniers. Cela reste moins incisif que les obligations de communication ancrées dans les textes européens…
Note de la rédaction : la thématique susmentionnée fait également l’objet de la contribution de M. Pierre Besson « Abus de marché : point de la situation et perspectives » parue dans Journée 2007 de droit bancaire et financier.