Droit pénal
Celui qui signe un document sans le lire peut se rendre coupable de faux dans les titres (art. 251 CP)
Ursula Cassani
Un arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 27 novembre 2008 (ATF 135 IV 12) dans une affaire d’escroquerie commise au préjudice d’une banque zurichoise rappelle que celui qui signe un document sans le lire court le risque d’être accusé de faux dans les titres. L’arrêt fait figure de « décision-pilote », puisqu’il a trait à une affaire dans laquelle 240 personnes avaient accepté, contre rémunération, de signer des documents qui ont permis à un tiers de commettre une escroquerie de Fr. 12 millions au préjudice de la Banque A.
L’escroc avait conclu des contrats de leasing avec 240 « clients » pour des véhicules n’existant pas. Les prétendus preneurs de leasing, contre une commission de Fr. 1600, signaient sans les lire un contrat de leasing et un procès-verbal de remise, dans lequel un garagiste confirmait la livraison du véhicule et le preneur de leasing sa réception. Le prix de vente était alors versé par la banque au garagiste, qui reversait ce montant à l’auteur principal de l’escroquerie. Sur recours des premiers « clients » condamnés, le Tribunal fédéral confirme le reproche de faux dans les titres par dol éventuel, estimant que le fait d’avoir choisi consciemment l’ignorance en signant aveuglément, indique que les recourants tenaient pour possible l’existence d’une transaction à but illicite. C’est donc à raison que les instances cantonales s’étaient prévalues de l’adage civiliste « celui qui sait qu’il ne sait rien, ne se trompe pas », de sorte que l’erreur sur les faits doit être écartée. Cependant, il ne suffit pas d’établir la connaissance d’un fait ; encore faut-il que l’auteur l’ait accepté. Peuvent constituer des indices de l’acceptation du faux par les signataires, la gravité de la violation du devoir de diligence, l’importance du risque de réalisation de l’infraction et les motifs de l’auteur. En appliquant ces critères et surtout en tenant compte du fait que les auteurs avaient agi pour toucher une provision, le Tribunal fédéral admet le faux dans les titres par dol éventuel, de même que le but de se procurer un avantage illicite.
Ainsi, la volonté de commettre un faux dans les titres ne peut être admise de manière générale, lorsqu’une personne signe aveuglément un document qui a valeur de titre. Dans le cas d’espèce, le fait que les signataires aient agi pour obtenir la récompense de Frs. 1600.- en contrepartie de leur signature semble avoir été décisif. Croyant signer une caution ou une autre déclaration aidant leur interlocuteur dans sa prétendue activité commerciale, les signataires ont envisagé et accepté le fait que le document qu’ils signaient était propre à prouver un fait ayant une portée juridique et qu’il pouvait être utilisé pour tromper autrui.
Enfin, rappelons que, comme le précisait déjà l’arrêt du Tribunal fédéral du 15 juillet 2004 (6S.114/2004) dans le même complexe de faits, ce n’est pas le contrat simulé mais le procès-verbal de remise de la voiture qui constituait un faux intellectuel.