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Arrêt du TAF

Garantie d’une activité irréprochable et conflits familiaux au sein d’un banquier privé

Dans son deuxième bulletin, p. 40 ss, la FINMA a reproduit un arrêt du Tribunal administratif fédéral (TAF) B-5535/2009 rendu le 6 mai 2010.
X. est un banquier privé et négociant en valeurs mobilières organisé sous la forme d’une société en commandite. À partir de 1991, trois conflits familiaux, étendus sur plusieurs années, ont opposé ses associés, à tel point que, le 20 avril 2009, l’associé indéfiniment responsable F. a sollicité l’intervention de la FINMA et la nomination d’un chargé d’enquête. La FINMA est arrivée à la conclusion que, compte tenu des divergences constantes opposant F. aux deux autres associés indéfiniment responsables, le Comité des associés gérants de X. était paralysé et que les décisions étaient prises par l’Assemblée des associés. Par décision du 6 juillet 2009, la FINMA a constaté que X. ne remplissait plus les conditions d’autorisation pour exercer une activité bancaire et de négociant en valeurs mobilières. Le 2 septembre 2009, A., B., C., D. AG et E. AG, associés de X., ont recouru contre cette décision auprès du TAF, qui confirme la décision de la FINMA et déboute les recourants.
Le TAF rappelle qu’un pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la FINMA lorsqu’il s’agit de contrôler l’application, dans un cas particulier, d’une notion juridique indéterminée ressortant du droit bancaire, telle que la garantie d’une activité irréprochable ; par conséquent, en l’espèce, l’autorité de recours se doit de faire preuve d’une certaine retenue. Toutefois, la liberté d’appréciation dont dispose la FINMA ne doit être admise que dans un cadre aussi délimité que possible afin que le contrôle juridictionnel ne soit pas restreint de manière excessive.
Le contrôle des exigences professionnelles et personnelles posées par l’art. 3 al. 2 let. c LB poursuit un but exclusivement préventif et non répressif fondé sur un pronostic pour l’avenir sur la base d’événements passés. Encore faut-il que les faits reprochés s’avèrent d’une certaine importance de sorte qu’il apparaisse vraisemblable, et non seulement possible, qu’un acte similaire se reproduise à l’avenir.
En l’espèce, les trois conflits familiaux au sein de X. se sont étendus sur plusieurs années et ont tous nécessité l’intervention d’un tribunal arbitral. L’Assemblée des associés s’est trouvée dans l’obligation inhabituelle de se substituer au Comité des associés gérants. De tels conflits sont de nature à entraver une gestion prudente et saine de la banque ainsi qu’à mettre en danger les intérêts de celle-ci et de ses créanciers, bien qu’il ne ressorte pas du dossier que les intérêts des créanciers de X. auraient été concrètement et directement mis en péril par des mesures ou décisions inadéquates résultant du conflit. En outre, l’énergie déployée par les associés dans leurs conflits au détriment du bon fonctionnement de la banque était susceptible de porter préjudice non seulement à la crédibilité de la banque, mais à la réputation de la place financière suisse, réputation qui est aussi protégée à travers la garantie d’une activité irréprochable. Le TAF fait dès lors sienne l’appréciation de la FINMA.
Cet arrêt met en relief les risques inhérents aux sociétés de personnes et leur fragilité particulière en cas de conflits internes. Force est par ailleurs de constater que le contrôle juridictionnel évoqué dans l’arrêt semble singulièrement limité en face du pouvoir reconnu à l’autorité de surveillance, de telle sorte qu’une décision aux conséquences graves est prise suite à des conflits déjà résolus et sans que les affaires de la banque aient été réellement menacées. On peut aussi se demander si l’autorisation d’exercer une activité bancaire aurait aussi été retirée en cas de conflits au sein d’une société de capitaux – alors même que les décisions de leurs organes sont souvent contestées jusque devant les tribunaux étatiques.