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Initiative Minder

Entrée en vigueur prochaine de l'Ordonnance contre les rémunérations abusives

Dans sa séance du 20 novembre 2013, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance d’exécution de l’initiative Minder « gegen die Abzockerei » acceptée le 3 mars 2013 par le peuple et les cantons suisses (FF 2013 2759). L’ORab entrera en vigueur le 1er janvier 2014, soit plus de deux mois avant le délai d’un an fixé à l’art. 197 ch. 10 Cst. Elle concrétise le plus fidèlement possible l’art. 95 al. 3 Cst, tout en ménageant une certaine souplesse pour les sociétés concernées, dans le cadre strict du mandat octroyé au Conseil fédéral en application de l’art. 197 ch. 10 Cst.

Par rapport à l’avant-projet d’ordonnance mis en consultation et déjà commenté (Commentaire n° 886), certaines évolutions, tant formelles que matérielles, sont à signaler :

• Titre de l’Ordonnance : précision de ce que l’ORab ne s’applique qu’aux sociétés anonymes cotées en bourse (au sens de la LBVM) ; le titre en allemand est aussi modifié, le terme « Abzockerei » étant abandonné

• Champ d’application : les corporations de droit public sont autorisées de par la loi (art. 762 CO) à déléguer, et également révoquer, des représentants au sein du conseil d’administration. Ce droit est maintenu expressément à l’art. 1 al. 2, seconde phrase

• Suppression de la compétence de l’assemblée générale pour élire des suppléants au président du conseil d’administration (art. 2 ch. 1) et précision de ce que le conseil d’administration désigne un nouveau président en cas de vacance (art. 4 ch. 4), afin d’éviter tout risque de carence dans l’organisation (art. 731b CO)

• Limitation du nombre de représentant indépendant à un seul (art. 2 ch. 3)

• Précision de ce que la gestion de fortune peut aussi être déléguée par le conseil d’administration à une personne morale et non seulement physique (art. 6 ch. 2), afin de permettre une gestion par des placements collectifs de capitaux au sens de la LPCC

• Compétence attribuée au conseil d’administration pour élire les membres du comité de rémunération si celui-ci n’est pas complet (art. 7 al. 4) afin d’éviter tout risque de carence dans l’organisation (art. 731b CO). Les statuts ne doivent contenir par ailleurs que les principes régissant les tâches et compétences du comité de rémunération (art. 7 al. 5)

• Compétence attribuée au conseil d’administration de désigner le représentant indépendant si la société n’en a pas (art. 8 ch. 6) afin d’éviter tout risque de carence dans l’organisation (art. 731b CO)

• Limitation temporelle des pouvoirs et instructions communiqués au représentant indépendant, pour la seule assemblée générale à venir (art. 9 al. 2) et abstention du représentant en l’absence d’instruction (art. 10 al. 2)

• Contenu des statuts (art. 12) : indication de la durée maximale, respectivement du délai de congé maximal des contrats de la direction et des administrateurs, et limitation de ceux-ci à un an (al. 1 ch. 2) afin d’éviter tout conflit entre droit des sociétés et droit du travail ; obligation de faire figurer les indemnités rémunérant les activités de membres du conseil d’administration, de la direction et du conseil consultatif dans des entreprises contrôlées par la société (al. 2 ch. 8)

• Validité des primes d’embauche (« welcome bonus ») pour autant qu’elles figurent dans le rapport de rémunération (art. 14 al. 2 ch. 5) et des primes pour transactions (fusions par exemple) hors groupe (art. 20 ch. 3 a contrario)

• Précision de ce que les indemnités dues jusqu’à la fin du rapport contractuel ne sont pas considérées comme des indemnités de départ dont le versement est interdit (art. 20 ch. 1)

• Liberté laissée à la société de prévoir dans les statuts un vote sur les rémunérations qui soit rétrospectif, prospectif, ou un mélange des deux (art. 18 al. 1)

• Liberté à la société de prévoir dans les statuts les conséquences et la marche à suivre en cas de refus de l’assemblée générale de voter les rémunérations (art. 18 al. 2)

• Limitation de l’obligation de vote des institutions de prévoyance à certains objets (art. 22 al. 1, à l’exclusion par exemple de la décharge, des comptes annuels, et des augmentation ou diminution du capital-actions) et définition de la notion d’intérêt des assurés (art. 22 al. 4)

• Dans les dispositions pénales (art. 24 et 25), remplacement du terme « intentionnellement » par « sciemment » (« wider besseres Wissen ») en tant qu’élément constitutif subjectif. La peine a été allégée et le cercle des auteurs potentiels restreint (art. 24 al. 2). Sont pénalement punissables d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire les membres du conseil d’administration, de la direction et du conseil consultatif (art. 24). Les membres de l’organe suprême et toute personne chargée de la gestion d’une institution de prévoyance qui violent sciemment l’obligation de voter selon l’art. 22 ou l’obligation de déclarer selon l’art. 23 sera punie d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, et non d’une peine privative de liberté

L’ORab va être progressivement mise en œuvre en application des dispositions transitoires qu’elle contient :

• Election du conseil d’administration et du comité de rémunération par l’assemblée générale : dès la première assemblée générale ordinaire qui se tient après l’entrée en vigueur de l’ordonnance (art. 29 al. 1)

• Vote de l’assemblée générale sur les rémunérations : lors de la deuxième assemblée générale ordinaire qui suit l’entrée en vigueur de l’ORab (art. 31 al. 2)

• Statuts et règlements : adaptation au plus tard lors de la deuxième assemblée général ordinaire qui suit l’entrée en vigueur de l’ordonnance (art. 27 al. 1)

• Institutions de prévoyance : adaptation des règlements et de l’organisation dans un délai d’un an dès l’entrée en vigueur de l’ORab (art. 27 al. 2)

Une inconnue subsiste : le contenu du texte de loi qui remplacera à terme dans le Code des obligations l’ORab. Nul doute que les débats qui vont avoir lieu au sein des deux Chambres du Parlement seront nourris.