Avant-projet de loi sur les services financiers
Décryptage des résultats de la procédure de consultation sur la LSFIN : les règles de conduite
Anouchka Zurita
Le Conseil fédéral a pris connaissance le 13 mars 2015 du rapport du Département fédéral des finances sur les résultats de la consultation relative à la loi sur les services financiers (LSFIN) et à la loi sur les établissements financiers (LEFIN). Un message est prévu pour la fin de l’année.
Les réserves exprimées dans le cadre de ces projets sont nombreuses. Les nouvelles règles de conduite prévues par la LSFIN visant à renforcer les devoirs d’information et de documentation à la charge des prestataires de services financiers et les mesures destinées à éviter les conflits d’intérêts ont relativement été bien accueillies (Titre II, Chapitre 1 règles de conduite, art. 6 à 20).
Seront succinctement présentées certaines observations formulées sur les obligations d’information et de documentation mais également celles liées à la vérification du caractère adéquat et approprié.
- Concernant l’obligation d’information (art. 7 AP-LSFIN), les participants sont favorables à un niveau de transparence adéquat sur les marchés financiers et à l’établissement d’un devoir d’informer. S’ils approuvent le principe selon lequel les clients doivent être protégés par une transparence suffisante, ils estiment que les mesures qui en découlent ne doivent pas entraver leur comportement d’investisseur (Rapport p.16). Il est toutefois difficile de saisir comment plus de transparence pourrait nuire à l’investisseur.
Nombreuses sont les propositions faites sur la formulation de l’obligation d’information. Celles-ci se focalisent sur la différence entre l’information liée au produit et celle spécifique aux établissements, au moment opportun et sur la définition de l’indépendance (Rapport p.17).
On retiendra qu’à la diversité des services doit correspondre des niveaux d’informations différenciés. Il pourrait s’agit notamment d’une description globale et standardisée des services laquelle devrait pouvoir être fournie par voie électronique. Pour des raisons pratiques, plusieurs participants demandent à ce qu’elle ne soit fournie qu’après la prestation ou que le moment où celle-ci doit intervenir soit défini avec plus de précision. D’autres réclament une distinction claire entre les informations relatives aux produits et celles concernant les établissements. Certains se prononcent en faveur d’une différenciation quant à la quantité d’informations en fonction du service offert. Par exemple, une distinction pourrait être introduite entre les obligations d’information concernant les opérations de simple exécution (EO), le conseil et la gestion de fortune discrétionnaire. De même, les opérations réalisées à l’initiative du client y compris les opérations de simple exécution devraient être dispensées des diverses obligations d’information (Rapport p.17). Plus difficile sera de faire accepter l’absence d’obligation d’information préalable pour les opérations de conseil. La feuille d’information de base ne devrait être remise, quant à elle, que dans le cadre du conseil en placement.
Enfin d’aucuns soulignent qu’il faudrait offrir la possibilité aux clients –notamment les clients professionnels- de pouvoir renoncer aux informations découlant des art. 7 et 8 de l’AP-LSFIN lorsqu’ils sont considérés comme sophistiqués ou avertis.
- En ce qui concerne l’adéquation et le caractère approprié des services financiers (art. 10ss AP-LSFIN), la majorité se déclare favorable à l’introduction de leur vérification (Rapport p.18).
Tandis que certains estiment que les dispositions des art. 10 et suivants sont inutiles ou les rejettent en bloc, d’autres souhaitent une formulation modérée et s’opposent à ce qu’elles entravent les clients dans leurs décisions d’investissement ou lui occasionnent des charges disproportionnées (Rapport p.18). Une partie des reproches portent également sur la conception et le champ d’application de la vérification de l’adéquation et sur le traitement des opérations sans conseil.
Pour l’organisation de la vérification de l’adéquation et du caractère approprié, il est proposé de différencier celle appliquée à la gestion de fortune et le conseil qualifié, d’une part, de celle utilisée dans le cadre du simple conseil en placement, d’autre part. La distinction entre « conseil qualifié » et « simple conseil » est souvent difficile à établir en pratique et dépendra de l’approche « risque » que le prestataire adoptera, ses obligations de diligence étant nuancées dans ces deux cas.
Cette vérification porte sur les éléments qui composent le profil de l’investisseur – son profil de risque au sens large– incluant ses connaissances et son expérience dans le domaine financier. Contrairement à ce qui est proposé, les participants souhaiteraient que les connaissances et l’expérience du client soient appréciées sur la prestation dans son ensemble et non pas sur les divers instruments financiers qui composent son portefeuille. Certains vont même plus loin en proposant que dans le cas du « simple conseil » – qu’il faudrait définir et différencier de l’execution only-, les objectifs de placement et la situation financière ne soient pas pris en considération et que le conseil lié à la transaction se limite exclusivement aux connaissances et à l’expérience du client. L’écueil principal d’une telle approche réside toutefois dans la définition des connaissances et de l’expérience du client.
En ce qui concerne « les connaissances et l’expérience », les prestataires souhaitent pouvoir se fier aux déclarations du client. Le client doit pouvoir démontrer ses connaissances et son expérience par des explications appropriées. Cette suggestion accentue son implication dans la détermination de son profil, ce qui pourra être utile aux prestataires en cas d’action en justice. Autre est la question de savoir si le représentant ou le mandataire du client pourra fournir les informations nécessaires à l’établissement du profil notamment sous l’angle des connaissances et de l’expérience. A l’évidence, la réponse qu’on y apportera aura un impact opérationnel pour les prestataires. Enfin, certains escomptent que, sous réserve d’un avertissement, les conseils puissent être prodigués même en l’absence d’information suffisante ou que les clients puissent renoncer à toute vérification de l’adéquation. Sur ce dernier point, la législation suisse s’écarterait de la législation européenne.
Pour la détermination de la situation financière du client, il est demandé de ne prendre en considération que les avoirs déposés auprès du prestataire. En effet, il paraît difficilement concevable d’obliger un client à communiquer à son prestataire le montant des avoirs qu’il a en compte auprès d’autres prestataires. Enfin, l’obligation de renseigner sur la conscience des risques, la tolérance aux risques et la capacité d’en prendre devrait être explicitement mentionnée dans la loi.
- Concernant le champ d’application de la vérification de l’adéquation, nombreux souhaitent que l’on distingue clairement entre les clients privés et professionnels. Les prestataires devraient soit être dispensés de faire le test du caractère adéquat pour les clients professionnels, soit celui-ci devrait être allégé lorsqu’il concerne ces clients (Rapport p.19). Pour les clients privés, il est proposé d’introduire une vérification obligatoire de l’adéquation pour les opérations recourant à des instruments complexes, catégorie d’instruments qui devrait être définie dans une ordonnance.
En conclusion, les participants ont souligné la nécessité d’harmoniser les futures règles de conduite de la LSFIN avec celles de la LPCC et de la LCA, Cette harmonisation permettra ainsi la suppression de l’art. 24 LPCC qui fait doublon.