Projets LSFin et LEFin
Quelles répercussions sur la réglementation de la gestion collective de capitaux ?
Olivier Stahler
Suite à la mise en consultation des avant-projets de LSFin et LEFin le 27 juin 2014, le Conseil fédéral a publié les projets de LSFin et LEFin ainsi que son Message le 4 novembre 2015. Quand bien même l’industrie financière suisse craignait un renvoi des projets au Conseil fédéral, la Commission de l’économie et des redevances du Conseil des Etats (CER-CE) a, à la mi-février 2016, décidé à l’unanimité d’entrer en matière sur les deux projets de loi. La Commission entend toutefois remanier ces projets et a chargé le Département fédéral des finances de lui présenter, pour sa séance d’avril 2016, une série de propositions de nouvelles formulations. En l’état du processus législatif, les acteurs de la gestion collective de capitaux se doivent d’anticiper les répercussions de la LSFin et LEFin sur la réglementation à laquelle ils sont assujettis.
La LSFin et la LEFin auront des répercussions tant formelles que matérielles sur la réglementation de la gestion collective de capitaux. Selon le Message du Conseil fédéral, la LPCC deviendrait une « loi spécifique à un produit » (cf. Message, p. 24), à savoir les placements de capitaux. Les activités de banque dépositaire et de représentant en Suisse de placements collectifs étrangers devraient toutefois rester régies par la LPCC (et non la LEFin).
On relèvera que le projet de LEFin maintient l’obligation de nommer un représentant pour les placements collectifs étrangers proposés à des investisseurs qualifiés uniquement pour une offre à des clients privés fortunés. L’article 20 LPCC relatif aux règles de conduite ne fait en l’état l’objet que de modifications formelles, entraînant dans une certaine mesure une superposition des règles de conduite de la LPCC et de la LSFin.
Le régime de protection des investisseurs dans des placements collectifs est réglé essentiellement par le projet de LSFin. Il continue à reposer sur une classification des clients. On regrettera toutefois que les contours de cette limitation divergent des standards européens. Cette divergence engendrera une double classification, suisse et européenne, synonyme de contraintes administratives et opérationnelles pour les établissements financiers. Les mécanismes d’opting-out et d’opting-in de la LSFin sont largement calqués sur la réglementation actuelle.
La notion de distribution spécifique à la LPCC est remplacée dans le projet de LSFin par la notion d’offre (cf. art. 3 let. h et i du projet de LSFin). La notion d’offre s’applique à tous les instruments financiers selon le projet de LSFin. Elle présuppose que le prestataire de services financiers fournisse des informations suffisamment détaillées pour permettre à un investisseur d’accepter l’offre en question. Une publicité à caractère général ne sera en principe pas considérée comme une offre (cf. Message, p. 44).
Avec l’abandon de la notion de distribution, les distributeurs de placements collectifs de capitaux ne seront plus soumis à l’obligation d’obtenir une autorisation de la FINMA (cf. Message, p. 142). Certains distributeurs indépendants risquent de souffrir de ce nouveau régime. Il est en effet probable qu’afin de contrôler leurs risques, les promoteurs de placements collectifs ne recourent qu’à des sociétés affiliées et à des intermédiaires financiers réglementés.
Dans le projet de LSFin soumis aux chambres fédérales, le régime applicable aux prestataires étrangers de services financiers ne fait plus l’objet de dispositions particulières. Le chapitre 4 de l’avant-projet de LSFin intitulé « Services financiers transfrontaliers en Suisse » n’a en effet pas été repris. Le projet de LSFin prévoit en substance un seul registre pour les conseillers à la clientèle non soumis à une surveillance prudentielle, qu’ils soient suisses ou étrangers (cf. art. 30 à 36 du projet de LSFin). Les distributeurs suisses de placements collectifs étrangers à des investisseurs qualifiés, qui ont dû se faire autoriser par la FINMA suite à la révision de 2012 de la LPCC verront leur dépendance à leur personnel, à savoir les conseillers enregistrés, s’accroître puisqu’ils ne devraient à l’avenir plus être autorisés en tant que distributeurs.
Le projet de LEFin clarifie par ailleurs les questions des présences suisses des acteurs étrangers de la gestion collective. Le projet de LEFin interdit aux directions de fonds étrangères d’ouvrir une représentation en Suisse (cf. art. 54 al. 2 du projet de LEFin). De même, l’ouverture de succursales suisses leur sera interdite (cf. art. 48 al. 2 du projet de LEFin). Il en résulte à notre avis une distorsion avec le régime applicable aux banques, dont la surveillance est réputée plus étendue. Le Message indique qu’il n’y a par contre aucune raison de ne pas offrir aux gestionnaires de fortune collective la possibilité d’ouvrir une représentation en Suisse, et ce contrairement à ce que laissait entendre le rapport explicatif de l’avant-projet de LEFin (cf. Rapport explicatif, p. 136, et commentaire CDBF du 23 septembre 2014). A l’instar du droit actuellement en vigueur, le projet de LEFin prévoit expressément les succursales de gestionnaires étrangers (cf. art. 48ss).
Les projets de LSFin et de LEFin apportent des modifications importantes à la réglementation de la gestion collective, qui vont au-delà d’une réorganisation formelle des dispositions applicables. Les acteurs suisses et étrangers de la gestion collective devront anticiper le nouveau cadre en considérant tant la LSFin et la LEFin, que la LPCC. Si la gestion collective fait déjà l’objet d’une réglementation largement calquée sur les directives européennes (UCITS et AIFMD), on soulignera qu’il est désormais essentiel que la réglementation suisse des services et des prestataires financiers dans sa globalité réponde aux standards internationaux. Lors de l’adoption de la LSFin et la LEFin, le Parlement devra poser les conditions cadres pour que les intermédiaires financiers suisses puissent accéder aux marchés européens et mondiaux mais sans pour autant les soumettre à des conditions plus strictes que celles découlant de ces standards internationaux.