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Révision du droit de la société anonyme

Modernisation rime avec simplification des dispositions sur le capital et réglementation modérée des rémunérations

Le 23 novembre 2016, le Conseil fédéral a transmis au Parlement son projet de révision du droit de la société anonyme. Alors que ces dernières années sont marquées par des réglementations de plus en plus complexes, le projet de modernisation du droit de la société anonyme contient des assouplissements à bien des égards. Avant tout, les dispositions sur la fondation et le capital sont nettement simplifiées. Quant à la mise en œuvre de l’initiative Minder, la réglementation modérée des rémunérations ne dépasse pratiquement pas le cadre de l’ordonnance contre les rémunérations abusives dans les sociétés cotées en bourse (ORAb) en vigueur actuellement. La disposition la plus controversée a trait aux seuils de représentation des sexes dans les conseils d’administration et les directions de sociétés cotées. Pourtant, compte tenu de la simple obligation de s’expliquer en cas de non-respect des quotas, la restriction à la liberté économique reste proportionnée. Qui plus est, le projet allège les quotas pour les membres de la direction : le délai transitoire se prolonge de 5 à 10 ans et le seuil à atteindre descend de 30 % à 20 %.

Du point de vue des rémunérations accordées aux cadres supérieurs de sociétés cotées, le projet de loi met en œuvre l’initiative populaire Minder. Il s’agit de transférer dans la loi formelle les exigences provisoires de l’ORAb. Le projet y apporte des adaptations mineures. Notamment, lorsque les actionnaires votent de manière prospective sur les rémunérations variables des cadres supérieurs, ils devront, après coup, aussi voter à titre consultatif sur le rapport de rémunération. Par ailleurs, sont interdites les primes à l’embauche si elles ne s’inscrivent pas en réparation d’un désavantage financier établi. Quant aux indemnités pour prohibition de concurrence, elles sont réglementées afin de remédier au risque de contournement de l’interdiction des indemnités de départ. Elles sont permises dans la mesure où elles sont justifiées par l’usage commercial. Elles ne peuvent pas dépasser trois fois le salaire moyen des trois dernières années.

Le projet abandonne la plupart des dispositions dépassant le cadre de l’ORAb. Entre autres, le Conseil fédéral renonce à l’interdiction des votes prospectifs sur les rémunérations variables. L’obligation statutaire de plafonner les bonus est abandonnée. Ne figure pas dans le projet l’obligation de publier les rémunérations accordées à chacun des membres de la direction au motif qu’ils sont des employés liés à la société par un contrat de travail.

En ce qui concerne la gouvernance, des améliorations sont proposées tout en faisant la distinction entre sociétés cotées et sociétés non cotées. Les actionnaires de sociétés non cotées se voient garantis davantage de droits aux renseignements. Quant aux droits des actionnaires de sociétés cotées, la diminution de certains seuils est envisagée. Entre autres, le droit de requérir la convocation de l’assemblée générale descend à 5 % pour les sociétés cotées, alors que ce seuil reste à 10 % pour les sociétés non cotées. Par contre, le Conseil fédéral renonce au droit d’intenter une action en remboursement ou en responsabilité aux frais de la société. Le risque d’abus de la part d’actionnaires quérulents et d’avocats est considéré comme élevé. Il s’agit pourtant d’un domaine qui mériterait de l’attention étant donné que les frais de litige très élevés peuvent se révéler extrêmement dissuasifs pour les actionnaires désireux d’intenter une action.

Les actions à droit de vote privilégié ne sont pas du tout traitées malgré l’actualité du sujet depuis l’affaire Sika. Le principe reste celui d’« une action, une voix », mais la pratique connaît de nombreuses exceptions permises par la loi. Il s’agit de laisser aux investisseurs le soin de décider s’ils acceptent les actions à droit de vote privilégié ou non. Cela traduit surtout la volonté de ne pas engager le débat dans de nouveaux sujets controversés afin de ne pas compromettre les chances du projet d’aboutir en bonne et due forme.

Les assouplissements les plus significatifs ont trait aux dispositions sur la fondation et le capital. Le capital-actions ne doit plus nécessairement être fixé en francs, mais peut être défini dans la monnaie la plus importante au regard des activités de l’entreprise. Il s’agit de remédier à une incohérence entre droit de la société anonyme et droit comptable, celui-ci autorisant déjà la tenue et la présentation des comptes dans une monnaie étrangère. De plus, l’action doit avoir une valeur nominale supérieure à zéro centime. Cela offre la possibilité de procéder à des divisions d’actions sans restriction. Le même résultat aurait été atteint de manière plus cohérente en introduisant des actions sans valeur nominale improprement dites. Une telle possibilité aurait cependant nécessité d’autres adaptations du droit de la société anonyme. Le concept de l’action à valeur nominale à une fraction d’un centime permet ainsi d’éviter d’aborder une réforme du régime des actions à droit de vote privilégié, sujet devenu sensible depuis l’affaire Sika. D’autres simplifications sont prévues, telle la suppression de l’obligation de la forme authentique pour la constitution et la dissolution de sociétés anonymes à structure simple.

En somme, cette révision comprend de nombreuses dispositions entraînant des assouplissements. Les sujets les plus délicats ont parfois été évités, voire contournés, en espérant que cela permette à la réforme d’aboutir plus vite. Selon l’issue de l’affaire Sika, laquelle peut encore durer quelques années, des points plus sensibles devront être remis sur la table. Il s’agit certes d’une vague de modernisation du droit de la société anonyme, mais pas d’une réforme en profondeur.