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Gestion de fortune

Révision des Directives de l’ASB concernant le mandat de gestion de fortune

Le 1er décembre, l’ASB a notifié aux banques membres les Directives révisées concernant le mandat de gestion de fortune (précédemment : Depierre, cdbf.ch/900/). Deux éléments importants sont à retenir. Le premier est l’entrée en force au 1er janvier 2020 de la loi sur les services financiers (LSFin) et son ordonnance d’application (OSFin), partiellement inspirées de MiFID II. Le second est que l’ASB a conféré aux directives le statut d’autorégulation libre, n’ayant pas l’effet contraignant d’une reconnaissance par la FINMA, contrairement aux versions antérieures de ses directives.

En effet, avec l’arrivée de la LSFin et de l’OSFin, des normes obligatoires étatiques sont venues réglementer le domaine de la gestion de fortune. Par conséquent, l’ASB a considéré qu’il convenait uniquement de préciser des best practices en complément aux nouvelles loi et ordonnance, afin de promouvoir l’image et le haut niveau de qualité de la gestion de fortune helvétique (préambule § 1 des directives). En outre, l’art. 12 al. 1 OFINMA exige désormais un large soutien pour la reconnaissance. L’autorégulation libre offre ainsi plus de flexibilité pour un sujet concernant surtout les banques. Pour tenir compte des degrés de protection instaurés par la LSFin, les directives ne s’appliquent pas par ailleurs aux clients professionnels per se.

Les directives ont été raccourcies pour éviter les doublons. En substance, les règles s’agissant des principes et du mandat lui-même (ch. 1 et 2), les exigences du respect de la forme écrite et de la fixation des règles sur la rémunération de la banque sont maintenues dans la nouvelle version.

Les dispositions d’exécution concernant l’établissement du profil de risque du client (tenant compte de ses connaissances et expériences), la stratégie et les risques de placement, les modalités de rémunération et de rétrocessions et l’organisation adéquate de la banque ont été supprimées. En effet, ces obligations figurent désormais aux articles 8, 10, 12 , 21 ss., 25 et 26 LSFin.

Quant à l’exercice du mandat (ch. 3), les prescriptions sur la diligence et le soin requis de la banque sont matériellement équivalentes entre les versions révisée et actuelle des directives ; il est normal que ces exigences restent, puisque la LSFin ne contient pas de détails à ce sujet. La disposition d’exécution 9 mentionne toutefois nouvellement le risque inhérent au placement sélectionné, ce qui est une référence aux articles 10 et 12 LSFin, comme dans la pratique les placements et le client concerné recevront chacun un risk rating, qui devront correspondre.

Les articles limitant les instruments de placements à utiliser, la diversification des risques et la liquidité n’ont pas été modifiés matériellement à notre avis (notamment les prescriptions sur les securities lending déplacées à l’art. 19 LSFin). Nous notons des assouplissements concernant la périodicité de la liquidité, les découverts temporaires (dispositions d’exécution 18 et 22) et plus d’illustrations et de détails concernant l’utilisation des dérivés (dispositions d’exécution 23 à 25). Le maintien de ces dispositions est légitime, puisque la LSFin et l’OSFin ne contiennent pas de détails sur ces sujets.

Les dispositions finales (ch. 4) sont très différentes de la version actuelle. En effet, puisque l’idée est que les directives servent de complément facultatif à la LSFin, leur entrée en force tient compte du droit transitoire applicable. Par conséquent, celle-là se fera au 1er janvier 2022 ; si la banque a communiqué à ses auditeurs son adhésion anticipée aux dispositions pertinentes de la LSFin, elle peut déjà appliquer les directives.

Cela étant, nous considérons que les directives pourront avoir plus qu’une portée purement facultative. Bien qu’elles soient en théorie de simples règles de conduite sans effet direct sur la relation entre le client et sa banque (régie par le mandat et les accords particuliers), nous savons que certaines normes de comportement peuvent avoir une double nature publique-privée.

Selon le Message du Conseil fédéral (p. 8121), les règles de comportement de la LSFin relèvent du droit public et n’interfèrent pas directement dans les relations de droit privé entre les prestataires et leurs clients. Le juge civil doit statuer en se fondant sur les dispositions applicables de droit privé, mais peut les préciser en s’appuyant sur les règles de la LSFin.

La norme fondamentale ayant un double effet public-privé est l’ancien article 11 de la loi sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (LBVM), loi abrogée par la LEFin. Selon le Message y relatif (p. 1306), son but est d’énumérer les principes essentiels que les négociants doivent observer en tout temps et inclure dans leurs règlements internes. Selon la doctrine, cet article était alors présenté comme ayant surtout des effets de droit public. En 2007 cependant, le Tribunal fédéral a fait jurisprudence en jugeant qu’il produisait tant des effets de droit réglementaire que de droit privé, et notamment que les parties ne pouvaient pas déroger aux obligations posées par lui (cf. ATF 133 III 97 et arrêt 4C.205/2006 du 21 février 2007, de Gottrau, cdbf.ch/510), lui conférant le statut de norme impérative et élargissant ainsi de façon importante son champ d’application et sa portée.

En extrapolant ce constat, le Tribunal fédéral considèrera probablement que certaines normes de comportement de la LSFin et de l’OSFin ont elles aussi des effets en droit privé, puisqu’elles reprennent et précisent les règles de l’ancien art. 11 LBVM. En conséquence, pour évaluer le comportement requis d’un gérant diligent, le juge civil pourrait utiliser les directives en tant que standard de l’industrie, comme cela est le cas dans de nombreux domaines de la responsabilité civile. Il conviendra donc de garder un œil sur ces dispositions et leur mise en œuvre par les banques.