Commission de surveillance CDB
Jurisprudence du deuxième semestre 2024

Valentine Delaloye
Une fois n’est pas coutume, la publication de la jurisprudence de la Commission de surveillance des banques (ci-après : la Commission) pour le deuxième semestre 2024 contient un peu plus de substance que de coutume.
Sur les aspects procéduraux, ce sont essentiellement des questions liées au fardeau et au degré de preuve requis qui semblent avoir occupé l’autorité. Dans un premier cas, la Commission souligne en effet qu’il appartient d’autant plus à la banque de prouver le respect de ses obligations de diligence lorsqu’elle se prévaut d’une exception, en l’occurrence en lien avec l’identification de l’ayant droit économique (ci-après : ADE). Plus précisément, l’autorité a dû rappeler à un assujetti que la présomption selon laquelle le co-contractant est également l’ADE des valeurs patrimoniales n’est plus valable depuis l’abrogation de la CDB 08. Elle confirme également que depuis l’entrée en vigueur de la CDB 16 et le changement de pratique qu’elle a opéré en la matière, la banque est tenue de déterminer et de documenter, à l’aide du formulaire idoine, que son co-contractant est une société de domicile ou une société avec une activité opérationnelle. A défaut, l’établissement s’expose au risque de violation des art. 27 et 44 CDB 20.
En lien avec le degré de preuve exigé, la Commission estime que le principe de la pleine conviction s’applique également dans le cadre d’une procédure CDB et renvoie sur ce point à l’ATF 140 III 610, c. 4.1. L’autorité de surveillance précise qu’elle considère à cet égard qu’une preuve est apportée dès lors qu’elle est convaincue de la véracité d’une allégation de fait, tout en ajoutant qu’« une certitude absolue ne peut [toutefois] pas être exigée ». Ainsi, il lui suffit qu’il n’existe plus de « doutes sérieux » quant à l’existence du fait ou « que les doutes subsistants apparaissent faibles ». Ces deux affirmations apparaissent quelque peu contradictoires et auraient certainement mérité des précisions sur le contexte de faits en cause.
Sur le fond, le rapport contient plusieurs éléments qui méritent une certaine attention. Nous retenons notamment qu’une holding au sens de l’art. 39 al. 4 let. b CDB 20, ne saurait être considérée comme une société de domicile et doit dès lors faire l’objet des mêmes clarifications qu’une société opérationnelle. Partant, c’est le formulaire K qui doit être obtenu dans un tel cas. Dans un autre registre, une banque qui fait face à des « constatations insolites » doit considérer qu’il existe un doute donnant naissance à une obligation de répétition au sens de l’art. 46 CDB 20. Bien que cela relève pour ainsi dire du cas d’école, l’autorité ajoute qu’il en va de même lors d’une opération au comptant qui porte sur un montant à six, voire à sept chiffres.
Au chapitre des sanctions, relevons qu’une violation de la CDB est plus grave du point de vue de la détermination de la peine (conventionnelle) lorsque la situation problématique dure dans le temps. De même, la comptabilisation de montants litigieux importants aggrave la peine.
Enfin, un commentaire lié au cas sous ch. 4.2 (dernier paragraphe) du rapport nous interpelle plus particulièrement. Il a été jugé que les éléments constitutifs de l’infraction d’assistance active à la soustraction fiscale n’étaient pas réunis dans le cas d’une banque qui verse à une cliente un montant à six chiffres en espèces, bien qu’il soit consigné au dossier que les fonds ne sont pas déclarés et probablement même d’origine criminelle. L’autorité précise tout de même qu’un tel comportement se rapproche de ceux qui sont incriminés au chapitre 7 de la CDB 20 et ajoute qu’il serait conforme au but de la norme, dans de tels cas, de sanctionner les établissements pour assistance active à la soustraction fiscale et à des actes analogues. Cela étant dit, elle estime également que « le libellé (restreint) » des dispositions du chapitre 7 a pour conséquence que des comportements tels que ceux de la banque incriminée ne tombent pas sous le coup de l’interdiction de l’assistance active à la soustraction fiscale au sens de la CDB. Et de conclure simplement que le comportement de la banque en question est incompatible avec la stratégie de l’argent propre que les établissements suisses poursuivent depuis le contentieux fiscal avec les Etats-Unis. Ces propos nous semblent d’autant plus déroutants qu’il est affirmé à peine quelques paragraphes plus loin dans le rapport, qu’une banque viole gravement les règles de la CDB lorsque, par son comportement, elle enfreint des règles fondamentales et porte ainsi atteinte à la réputation de la place financière helvétique.
Pour conclure, si nous espérons que le léger effort de la Commission vers plus de partage de sa pratique continuera à l’avenir, nous regrettons les quelques passages un peu confus du rapport, qui ne contribueront pas à améliorer la compréhension du praticien.