Aller au contenu principal

Devoir d'information de la banque dispensatrice de crédit : nouvel arrêt du Tribunal fédéral

Dans la ligne de sa jurisprudence désormais constante, rendue en matière de devoir d’information de la banque dans le cadre de contrats de prêt de consommation (voir notre précédente actualité no. 252 du 22 octobre 2004->art252]), le Tribunal fédéral a rendu un [arrêt le 4 août 2005 (4C.82/2005) dans lequel il était amené à examiner une situation dans laquelle la banque se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts. Une fois n’est pas coutume, notre Haute Cour a admis la responsabilité de la banque.
Une personne physique (l’emprunteuse) avait conclu deux contrats de prêt avec une banque. Le but de l’opération était de renflouer une société tierce, se trouvant dans une situation financière très délicate et appartenant à des parents de l’emprunteuse. Cette dernière disposait elle-même de moyens financiers très limités. Il ressort des faits de la cause que la banque ne connaissait pas la situation économique de cette personne au moment où celle-ci a souscrit aux crédits litigieux.
Pour échapper à son obligation de remboursement des prêts, l’emprunteuse faisait notamment valoir que la banque avait failli à ses devoirs d’information.
Selon le Tribunal fédéral, dans le cadre de pourparlers contractuels, la règle de base est celle de la responsabilité personnelle. La banque n’est en règle générale pas tenue de faire des investigations sur le besoin de crédit du client, sur ses intentions quant à l’utilisation des fonds ou sur la justification matérielle et l’opportunité de sa demande ; le banquier n’est pas le tuteur de son client.
A titre exceptionnel toutefois, la banque est tenue à un devoir de loyauté l’obligeant d’informer le client de manière étendue. Un devoir précontractuel de mise en garde incombe notamment à la banque lorsqu’elle peut prévoir un danger non reconnaissable pour le client et menaçant un placement ou en cas de conflit d’intérêts ; par exemple, la banque ne doit pas encourager le crédit à une entreprise en danger dans le but de favoriser le remboursement de ses propres créances incertaines. Si le client réclame un crédit qui n’est pas lié à une affaire à connotation bancaire, la banque n’a pas de devoir général de conseil, sous réserve des affaires conclues avec la banque, à son instigation ou par son intermédiaire. Un devoir de mise en garde n’existe que dans des conditions très spécifiques, notamment en cas de connaissance particulière de la banque quant au risque spécial lié au financement d’un projet.
Dans le cas d’espèce, les circonstances faisaient apparaître l’existence d’un conflit d’intérêts du point de vue de la banque, laquelle avait octroyé d’importants crédits à la société tierce et donc invité les actionnaires de cette dernière à s’adresser aux membres de leur famille pour trouver des garanties. C’est donc à l’instigation de la banque que l’emprunteuse avait été sollicitée. De fait, les intérêts de la banque étaient même diamétralement opposés à ceux de l’emprunteuse puisque l’octroi des crédits munis de leur garantie lui permettait d’améliorer sa propre situation au détriment de celle de l’emprunteuse. Aussi, une obligation de mise en garde particulière incombait à la banque, non seulement parce qu’elle se trouvait dans une situation de conflit d’intérêts flagrant, mais aussi parce qu’elle connaissait la situation critique de la société dans laquelle les montants remis en prêt devaient être injectés par l’emprunteuse. Le devoir de loyauté de la banque lui imposait donc d’informer de manière particulièrement claire la future emprunteuse sur le caractère hautement risqué de l’opération qu’elle s’apprêtait à conclure. Or, aucune mise en garde n’avait été faite par la banque, et pour le Tribunal fédéral, il importait peu que l’emprunteuse ait été conseillée par ses parents ainsi que par le notaire qui l’avait mise en garde. En effet, l’éventualité que l’emprunteuse ait obtenu des informations par des tiers ne pouvait permettre à la banque de se libérer de ses propres obligations.
On notera enfin que notre Haute Cour a estimé que la violation du devoir de diligence de la banque devait être examinée à l’aune de l’art. 398 CO et non pas sur la culpa in contrahendo ; cela était dû au fait que les contrats de prêts avaient finalement été conclus après les négociations avec pour conséquence que, au vu de la théorie de l’absorption, la responsabilité pré-contractuelle s’effaçait devant la responsabilité contractuelle. On peut toutefois regretter que le Tribunal fédéral se soit fondé sur l’art 398 CO sans expliquer plus avant pour quels motifs il faisait application du droit du mandat dans la relation client-banque dispensatrice de crédit.