Révision partielle de la norme pénale sur les opérations d'initiés
Riccardo Sansonetti
Le Conseil fédéral a fixé le 29 septembre 2006 la suite des travaux pour la mise en œuvre des Recommandations révisées du GAFI concernant la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Cette décision donne suite à la consultation sur l’avant-projet de mise en œuvre des Recommandations effectuée courant 2005 ainsi qu’au 3ième rapport d’évaluation mutuelle publié en octobre 2005. Le Conseil fédéral a simultanément approuvé un rapport destiné au Parlement qui présente la
manière dont d’autres pays ont mis en œuvre les principales Recommandations du GAFI et qui indique les conséquences économiques de cette transposition en Suisse. Prenant en compte ces trois constats, le Conseil fédéral a défini les grandes lignes du remaniement de l’avant-projet et chargé le DFF de lui présenter un message d’ici à mi-2007.
L’objectif du Conseil fédéral est de reprendre les points les plus importants de l’avant-projet mis en consultation en 2005 ainsi que de prendre en compte certaines mesures sur la base des résultats de l’examen de la Suisse effectué par le GAFI. Les éléments suivants de l’avant-projet seront repris :
– introduction de nouvelles infractions préalables au blanchiment d’argent pour la contrebande organisée, la falsification de marchandises, le piratage de produits ainsi que les opérations d’initiés et la manipulation de cours ;
– extension du champ d’application de la loi sur le blanchiment d’argent au financement du terrorisme ;
– introduction d’une obligation de communiquer également lorsqu’une relation d’affaires n’aboutit pas ;
– exemption de l’intermédiaire financier des obligations de diligence pour les montants de moindre valeur (« clause bagatelle ») ;
– assouplissement de l’interdiction d’informer entre intermédiaires financiers dans certains cas, par exemple lorsqu’un intermédiaire financier n’est pas en mesure, dans le cadre d’une annonce au Bureau de communication
en matière de blanchiment d’argent, de bloquer les valeurs patrimoniales concernées ;
– précision dans la LBA selon laquelle les annonces faites en application du droit de communication (art. 305ter, ch. 2, CP) n’entraînent pas de blocage des valeurs patrimoniales ; examen de la question de savoir si les organismes d’autorégulation (OAR) doivent également bénéficier d’une exclusion de la responsabilité civile et pénale ;
– protection juridique renforcée de l’intermédiaire financier contre le risque de représailles lorsque celui-ci communique des cas dans lesquels il y a soupçon de blanchiment.
Le message du Conseil fédéral traitera donc aussi de quelques mesures prenant en compte les résultats de l’examen de la Suisse par le GAFI. Ces mesures n’ayant pas figuré dans l’avant-projet mis en consultation en 2005,
le DFF procédera à une audition à leur sujet :
– participation des autorités douanières à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme par le biais de l’introduction d’un système d’obligation d’informer en cas de transport transfrontalier d’argent
liquide d’un montant de plus de 25 000 francs ;
– introduction d’une obligation, pour l’intermédiaire financier, d’identifier les représentants de personnes morales ;
– introduction de l’obligation, pour l’intermédiaire financier, d’identifier le but et la nature de la relation d’affaires souhaitée par le client ;
– suppression de la limitation dans le temps de l’interdiction pour l’intermédiaire financier d’informer son client sur les annonces faites au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent, pour autant que ces annonces n’aient pas été transmises aux autorités de poursuite pénale ;
– accomplissement des annonces faites en application du droit de communication auprès du Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (en ce qui concerne les annonces faites actuellement aux autorités de poursuite pénale).
En plus de ces mesures au niveau de la loi, des adaptations dans les ordonnances des autorités de surveillance compétentes sur le blanchiment d’argent sont nécessaires. Les travaux relatifs à ces adaptations sont en
cours. A relever que le Conseil fédéral a en revanche renoncé à diverses propositions présentées lors de la consultation sur l’avant-projet. Il s’agit notamment de l’assujettissement à la loi sur le blanchiment d’argent
des paiements en liquide pour certaines activités commerciales. Par ailleurs, le Conseil fédéral décidera de la suite des travaux relatifs aux actions au porteur dans le cadre de la réforme prévue du droit de la société
anonyme.
La révision de la norme pénale sur les opérations d’initiés décidée par le Conseil fédéral comprendra trois étapes :
– l’avant-projet de 2005 proposait une révision partielle incontestée de la norme pénale relative aux opérations d’initiés, soit une abrogation de l’art. 161, ch. 3, CP afin d’intégrer dans le champs d’application de la
norme pratiquement tous les faits ayant une influence sur les cours, y compris les avertissements sur bénéfices. Sur ce point, le Conseil fédéral a chargé le DFF de lui présenter un message d’ici à la fin de l’année ;
– deuxièmement, les mesures permettant de définir certaines opérations d’initiés et manipulations de cours non plus comme délits mais comme crimes (en en faisant donc des infractions préalables au blanchiment d’argent)
seront traitées dans le message que le DFF est chargé de présenter au Conseil fédéral d’ici à mi-2007.
– lors de discussions relatives à la révision partielle incontestée de la norme relative aux opérations d’initiés mentionnée (suppression de l’art. 161, ch. 3, CP), différentes demandes ont aussi été faites en faveur
d’un examen en profondeur de la réglementation relative à l’ensemble des infractions boursières, dont une révision requiert davantage de temps. C’est pourquoi le Conseil fédéral a aussi chargé le DFF – et ceci
constitue la troisième étape – d’évaluer, en collaboration avec le DFJP, la nécessité d’une révision approfondie de la réglementation actuelle relative aux infractions boursières et aux abus de marché, y compris les compétences
en matière de poursuite.