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La LBA n'est pas une source de responsabilité civile

L’arrêt 4A_21/2008, rendu le 13 juin 2008 et destiné à la publication, a donné l’occasion au Tribunal fédéral de préciser les contours de la responsabilité civile potentiellement encourue par l’auteur d’un blanchiment d’argent à l’égard de la victime de l’infraction préalable.
L’on rappellera à titre liminaire qu’en droit suisse de la responsabilité civile, un préjudice purement économique (i.e. un préjudice qui ne résulte pas de l’atteinte à un droit subjectif absolu tel que la vie, l’intégrité corporelle ou la propriété) ne peut être réparé que si l’acte dommageable contrevient à une norme dont la finalité est de protéger le bien lésé. Dans le contexte qui nous occupe ici est donc déterminante la question de savoir si l’article 305bis du Code pénal suisse (« CP »), d’une part, et les dispositions de la Loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d’argent dans le secteur financier (« LBA »), d’autre part, constituent des normes de comportement propres à fonder une responsabilité civile à charge de l’auteur d’un blanchiment d’argent.
Il a déjà été jugé que l’article 305bis CP constitue une norme de protection des intérêts patrimoniaux de la victime du crime préalable (ATF 129 IV 322, cf. actualité n° 131 du 20 janvier 2004->art131]). Dans une jurisprudence ultérieure, le Tribunal fédéral précisa qu’une illicéité civile fondée sur l’article 305bis CP présuppose la réalisation de l’ensemble des éléments constitutifs de cette infraction pénale, y compris l’élément subjectif de l’intention (ATF 133 III 323, cf. [actualité n° 521 du 30 mai 2007). Par conséquent, un acte de blanchiment commis par négligence – non sanctionné par le droit pénal – ne saurait constituer un acte illicite sur le plan civil et ne donne donc pas lieu à réparation.
Faute de pouvoir fonder son action sur une infraction à l’article 305bis CP, le lésé pourrait être tenté d’invoquer une violation des normes de comportement ancrées aux articles 3 à 10 LBA, soit par exemple les devoirs d’identification du cocontractant et de l’ayant-droit économique ou les obligations de communication et de blocage des avoirs.
Amené à se pencher sur cette question dans le cadre de la jurisprudence présentée ici, le Tribunal fédéral relève que la LBA vise à instaurer un standard minimal de comportement et de diligence dont le non-respect est sanctionné par les articles 36 et suivants LBA et par l’article 305ter CP. La LBA, dont l’objectif est de sauvegarder la réputation de la place financière suisse, n’a pas été édictée dans un but de protection d’intérêts individuels. La LBA n’octroie donc pas aux victimes de l’infraction préalable une protection supplémentaire par rapport à celle qui découle de l’article 305bis CP. En d’autres termes, ni la violation de la LBA, ni du reste une infraction à l’article 305ter CP, ne constituent un chef de responsabilité civile autonome dont pourrait se prévaloir un lésé confronté à l’inapplicabilité de l’article 305bis CP.
La solution retenue par le Tribunal fédéral convainc par son approche restrictive du concept de « norme de comportement propre à fonder une responsabilité civile ». Si l’on peut concevoir que l’article 305bis CP soit qualifié de norme de protection civile lorsque les valeurs patrimoniales blanchies résultent d’un crime contre des intérêts individuels, l’on ne saurait en dire autant des normes de comportement de la LBA dont la violation ne lèse pas de droits individuels. Consacrer l’article 305bis CP – pour autant que tous ses éléments constitutifs soient réalisés – comme seul fondement de responsabilité civile dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent est une solution appropriée. Un devoir de réparation sur un plan civil ne constitue en revanche pas un remède adéquat en cas de violation de la LBA, norme dont le non-respect est sanctionné par un arsenal de droit pénal et de droit administratif.