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Procuration bancaire

Droit du fondé de procuration aux renseignements en cas de révocation de la procuration

Le Tribunal fédéral devait trancher, dans un arrêt rendu le 8 mai 2009 (4A_457/2008) non destiné à la publication, la question de savoir dans quelle mesure une personne dont la procuration a été révoquée peut obtenir des renseignements de la banque sur des comptes bancaires.
L’état de faits sous-jacent à cette affaire était le suivant : une personne physique (ci-après le Recourant) avait ouvert en 1990 un carnet d’épargne (N° 001) au nom de sa sœur. Il avait indiqué en être l’ayant droit économique et obtenu (de sa sœur) une procuration sur ledit compte. En 2005, la banque a fait savoir au fondé de procuration que le compte n’existait plus depuis plus de 10 ans. Cela lui a été confirmé en janvier 2006 ; à cette occasion la banque a indiqué au Recourant qu’elle ne pouvait plus lui donner de renseignements complémentaires sur ce compte dès lors qu’avec la clôture dudit compte la procuration avait cessé de déployer ses effets. Le même jour toutefois, la banque a encore révélé au Recourant l’existence d’un second compte (N° 002), également clôturé par sa sœur depuis lors. Ce second compte présentait un solde de CHF 40’000.- au moment de sa clôture. Pour le Recourant, il était patent que, quand bien même le premier compte avait été ouvert au nom de sa sœur, l’argent lui appartenait ; selon lui, sa sœur avait accaparé cet argent de façon illicite, commettant de la sorte un abus de confiance.
Le Recourant, voulant savoir ce qui s’était passé exactement avec ces comptes, a interpellé la banque pour lui demander de lui donner tous renseignements utiles à leur sujet. Suite au refus de cette dernière, il a saisi les tribunaux zurichois pour qu’ils contraignent la banque à le renseigner. Après avoir été complètement débouté de ses prétentions par les instances cantonales, il a saisi le Tribunal fédéral.
Cette affaire donne l’occasion à notre Haute Cour de rappeler que la révocation d’une procuration est une déclaration de volonté unilatérale, soumise à réception, qui peut également intervenir par actes concluants ou de manière tacite. Dans la pratique bancaire, on considère qu’il y a révocation par acte concluant lorsque le titulaire d’un compte a conféré une procuration pour un compte déterminé, compte qu’il clôture par la suite. Lorsque la révocation n’est communiquée qu’à la banque, le rapport de procuration interne persiste jusqu’à ce que le fondé de procuration soit informé de la révocation, que ce soit par la banque ou par celui qui avait donné la procuration. Après l’extinction de la procuration, la banque est tenue de respecter les obligations de discrétion que lui impose le secret bancaire à l’égard de celui qui n’est plus fondé de procuration ; la banque ne peut donc plus renseigner ce dernier, et ce même pour ce qui a trait à des actes intervenus à une époque où la procuration était en vigueur.
La question de savoir si la procuration donnée pour le compte N° 001 valait également pour le compte N° 002 et si le devoir de renseignement de la banque était tombé au moment de la clôture du premier ou du second compte est laissée ouverte par le Tribunal fédéral, dès lors que, en tous les cas, le Recourant s’était vu informé de la révocation de sa procuration en janvier 2006 par la banque. Par voie de conséquence, au moment où il introduisait son action en justice, en 2007, le Recourant n’était de toute façon plus au bénéfice d’une procuration lui donnant droit d’obtenir des renseignements de la banque.
Le Recourant faisait néanmoins valoir qu’il avait droit à être renseigné sur la base de l’art. 47 de la Loi sur les banques (LB). Selon lui, il pouvait être inféré a contrario de cette disposition que la banque devait communiquer tous renseignements aux personnes mandatées par le titulaire du compte. Cet argument est écarté par le Tribunal fédéral qui rappelle que l’art. 47 LB est une norme pénale qui ne peut en aucun cas servir de base à une demande de renseignements de droit privé.
Le Recourant se plaignait également d’une violation de l’art. 2 al. 2 CC. Selon lui en effet, le fait que la banque avait, dans un premier temps, donné des renseignements qui tombaient sous le coup du secret bancaire (la banque avait en effet informé le Recourant du fait que le premier compte avait été soldé et qu’un second compte, présentant un solde donné à sa clôture, avait également été clôturé par la sœur du Recourant) empêchait la banque d’invoquer le secret bancaire pour refuser de donner des renseignements complémentaires sur lesdits comptes. Selon le Recourant, un tel comportement était contradictoire et constituait un venire contra factum proprium.
Cet argument est également écarté par le Tribunal fédéral qui rappelle que l’art. 2 al. 2 CC qui sanctionne l’abus de droit ne prohibe le comportement contradictoire que dans des cas précis. C’est ainsi que l’on admet, d’une manière générale, que l’exercice d’un droit est abusif lorsqu’il contredit un comportement antérieur et les attentes légitimes que ce comportement a pu susciter. Selon la jurisprudence de notre Haute Cour, aucun principe général n’oblige à s’en tenir à une attitude adoptée précédemment. Celui qui change d’attitude n’enfreint les règles de la bonne foi que si la position prise antérieurement a créé chez le partenaire une confiance légitime, déçue par le nouveau comportement. La partie doit avoir été déterminée par cette confiance légitime à accomplir des actes qui se révèlent préjudiciables une fois que la situation a changé. Or, dans le cas d’espèce, le Recourant était bien incapable de démontrer avoir pris des dispositions particulières sur la base des premiers renseignements que la banque lui avait donnés.
Par voie de conséquence, le Tribunal fédéral rejette le grief de violation de l’interdiction de l’abus de droit et déboute le Recourant des fins de son recours. Il faut donc, en substance, retenir que la procuration et, partant, le droit aux renseignements s’éteignent définitivement au moment où le compte est soldé. Le Recourant aurait donc dû agir au pénal pour obtenir les renseignements voulus, s’il pensait véritablement pouvoir reprocher à sa sœur d’avoir commis un abus de confiance.