Commission européenne
Réforme structurelle du secteur bancaire européen
Ilias Pnevmonidis
Le 29 janvier 2014, la Commission européenne a publié son projet de règlement concernant une réforme structurelle du secteur bancaire européen. Sur la base du rapport Liikanen (présenté en octobre 2012, voir Commentaire no 835), qui examinait la plausibilité d’une séparation légale entre les activités financières au sein des groupes bancaires, le projet de ce nouveau règlement envisage l’interdiction de la négociation pour compte propre et une séparation entre les activités de dépôt et certaines activités de négociation potentiellement risquées. Le but principal de ce projet est le renforcement de la stabilité financière et de la résilience du secteur bancaire de l’UE, ainsi que la création d’un cadre commun à l’échelle de l’UE, nécessaire pour éviter que les solutions nationales divergentes ne créent des failles dans l’union bancaire ou ne nuisent au fonctionnement du marché unique.
Il faut rappeler que les Etats-Unis ont déjà publié la version finale des règles concernant la mise en œuvre de la Volcker Rule et des réflexions à ce sujet sont menées au niveau mondial au sein du Conseil de stabilité financière. En parallèle, certaines juridictions de l’UE (le Royaume Uni avec le fameux rapport Vickers, la France, l’Allemagne et la Belgique) sont en train d’élaborer des règles nationales visant la réforme structurelle de leurs grandes banques.
Les obligations introduites par le projet de règlement concernent deux catégories d’établissements financiers : a) en premier lieu, tous les groupes bancaires définis comme des établissements financiers internationaux d’importance systémique (cf. art. 131 CRD), et b) en second lieu, toute entité bancaire qui – pendant une période de trois ans consécutifs – détient des actifs dépassant le seuil absolu de € 30 milliards et exerce des activités de négoce qui représentent soit un minimum de € 70 milliards, soit 10 % de l’ensemble de ses actifs.
Sur un premier niveau, le projet de règlement prévoit l’interdiction de la négociation pour compte propre sur instruments financiers et sur matières premières, malgré le fait que la négociation pour compte propre constitue une activité secondaire et limitée pour l’ensemble des banques européennes. A noter que le projet propose une définition étroite de la négociation pour compte propre (négociation par la banque pour son propre compte à la seule fin de réaliser des profits, et qui n’apporte pas d’avantages tangibles ni aux clients, ni à l’économie dans son ensemble) en comparaison avec la définition complexe introduite par la Volcker Rule aux Etats-Unis.
Sur un deuxième niveau, les autorités nationales de surveillance pourraient (voire dans certains cas devraient) séparer les activités de dépôt, de certaines autres activités de négociation à haut risque, telles que la tenue de marché, les produits dérivés complexes et les opérations de titrisation complexes. L’ensemble de ces activités particulièrement risquées devrait être assigné à une entité juridique distincte (entité négociatrice), qui pourrait opérer avec la banque de dépôt au sein du même groupe. Les éléments à prendre en considération avant d’imposer la séparation seraient la taille des actifs négociables, l’effet de levier résultant de ces actifs, l’importance du risque de contrepartie et la complexité des produits dérivés négociables. Les banques concernées par cette séparation auraient la possibilité de ne pas séparer leurs activités, si elles parviennent à démontrer à leur autorité de surveillance que les risques engendrés seraient atténués par d’autres moyens.
En outre, l’entité de négociation devrait maintenir une indépendance économique, juridique et opérationnelle de l’entité de dépôt d’un groupe bancaire. Si un groupe détient plusieurs entités de dépôt et de négociation, la société mère devrait établir deux sous-groupes distincts, chacun contenant exclusivement des entités de dépôt ou des entités de négociation. Par conséquent, les obligations d’une surveillance effective et de l’établissement de comptes devraient s’effectuer sur une base sous-consolidée.
Enfin, les autorités nationales de surveillance pourraient imposer des sanctions et d’autres mesures administratives afin de garantir le respect des conditions de séparation entre les activités bancaires.
Les mesures envisagées par le projet de la Commission européenne sont, selon le Commissaire Barnier, « les dernières pièces de la réforme de la réglementation du système bancaire européen ». Selon le calendrier établi par la Commission, l’interdiction de négociation pour compte propre devrait entrer en vigueur en janvier 2017 et la séparation d’autres activités de négociation à haut risque en juillet 2018. Ces nouvelles règles pourraient avoir un impact important aux filiales et aux succursales des banques étrangères dans l’UE. Au cas où ces dernières seront soumises aux dispositions du règlement, elles pourront être exemptées de ces réformes structurelles seulement si la Commission considère que le pays tiers offre des mesures équivalentes aux règles européennes.