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stablecoin

Un stablecoin est un moyen de paiement dématérialisé, le plus souvent créé conformément à la cryptographie asymétrique (et ayant suivi l’essor des cryptomonnaies – d’où le suffixe « coin » – dont il est dès lors issu), auquel un émetteur identifiable (un Etat, un groupe d’entreprises, voire des particuliers) ou un mécanisme dédié (comme un ensemble de smart contracts déployés via une une organisation décentralisée de type DAO) attache plusieurs actifs, financiers ou non, en gérant ceux-ci de manière à lui garantir une valeur intrinsèque stable au cours du temps. L’émetteur ou le mécanisme concerné peut en outre décider d’octroyer ou non un droit au remboursement, total ou partiel.

L’essor des stablecoins est venu du constat de la difficulté pour les cryptomonnaies d’assurer une véritable réserve de valeur dans le temps (l’une des trois conditions de la monnaie selon Aristote). Leurs émetteurs visent ainsi à assurer une stabilité dans les échanges de cryptoactifs en proposant un moyen de change refuge.

1. Le stablecoin centralisé

1.1 le stablecoin public

En cas de création d’un stablecoin public, l’actif garantissant ledit stablecoin est en règle générale la monnaie du pays. Le mécanisme de stabilisation intégré est donc la politique monétaire du pays concerné. Dans un tel cas, on fait le plus souvent référence à la monnaie numérique de banque centrale, dès lors abrégée « MNBC » (voire « MEBC » ou « MDBC » pour « électronique » respectivement « digitale », l’adjectif « numérique » étant toutefois à préférer à l’anglicisme digital), et en anglais « CBDC » pour Central Bank Digital Currency). La différenciation entre la MNBC et les avoirs à vue détenus par les banques commerciales auprès de la banque centrale du pays dans lequel celles-ci sont établies (aussi appelée « monnaie de réserve de banque centrale ») se situe au niveau de son utilisation. La MNBC peut effectivement être conçue de deux manières, lesquelles peuvent évidemment coexister :

  1. en tant que moyen de paiement réservé à des acteurs sous surveillance prudentielle (par exemple des banques ou des maisons de titres) pour l’échange de cryptoactifs sur un marché réglementé (on parle alors de jeton « de gros » ou de wholesale CBDC), soit
  2. en tant que nouveau moyen de paiement public dématérialisé pour un usage courant (on parle alors de jeton « de détail » ou de retail CBDC).

La création d’une MNBC n’est pas dépendante de l’usage de la technologie blockchain. En effet, une MNBC est par définition issue d’un réseau centralisé, puisque l’Etat en est l’émetteur, raison pour laquelle une blockchain, même publique (ou semi-publique) et à permission, n’est ici pas strictement nécessaire.

1.2. Le stablecoin privé

Dans le cadre d’un stablecoin privé, il est à constater que certains projets ou déploiements s’autoproclament comme tels alors qu’ils n’offrent pas de réelle solution de réserve de valeur ou n’offrent pas la preuve tangible d’une telle réserve, ce dès lors en opposition directe avec la définition qu’ils sont censés représenter. En outre, certains projets ne faisant que répliquer des monnaies fiat existantes (ou des métaux précieux), ils n’ont dès lors pas de mécanisme propre de stabilisation du cryptoactif concerné et sont ainsi dépendant des politiques monétaires centralisées du sous-jacent qu’ils répliquent. Par conséquent, il convient de regarder avec circonspection ces mêmes projets ou déploiements lorsqu’ils n’offrent pas de créance contre leur émetteur à hauteur de 100 % de la valeur des sous-jacents qu’ils sont censés représenter.

Indépendamment des considérations qui précèdent, le premier projet reconnaissable comme étant un véritable projet de stablecoin privé – et dès lors définissable comme tel – fut la Libra 1.0 (puis Diem) dans la mesure ou ce projet fut annoncé comme bénéficiant d’une réserve constituée d’un panier de 5 monnaies fiduciaires (l’EUR, le GBP, le JPY, le SGD et l’USD) ainsi que d’obligations d’Etat investment grade et à court terme. D’autres projets sont toujours en cours en 2022, comme le Utility Settlement Coin de Fnality International, lequel fut d’ailleurs antérieur à la Libra (voir encore la note ci-dessous). Enfin, certains « stablecoins  » autoproclamés et déjà déployés, comme l’USD Coin (USDC) ou le Tether (USDT), sont également de type centralisé et privé.

2. Le stablecoin décentralisé (préférer « à mécanismes de stabilisation algorithmiques »)

Une évolution particulière dans le domaine des stablecoins fut la création du DAI, en décembre 2017, par le projet MakerDAO, ainsi que l’arrivée du TerraUSD (UST) en septembre 2020 (et de la brève existence de l’IRON en 2021). On peut considérer que ce type de moyen de paiement cryptographique ne constitue ni un stablecoin public (au sens où il n’est pas créé et géré par un organisme public centralisé), ni un stablecoin privé (n’étant pas le projet – également centralisé -, par exemple, d’un consortium bancaire à l’instar du Utility Settlement Coin). Les stablecoins décentralisés consistent en réalité, du fait de leur gouvernance et de leur automatisation, en des moyens de paiement dématérialisés autonomes et à mécanismes de stabilisation algorithmiques via l’action de divers acteurs, tant on-chain (smart contracts) qu’off-chain (oracles) impliqués à divers degrés dans la stabilisation de leur valeur.

Note des auteurs : malgré le peu d’informations disponibles dans le domaine public à son sujet en raison du fait qu’il fît l’objet d’un dépôt de brevet et que divers établissements bancaires, dont le Crédit suisse, furent intéressés à le soutenir, le projet ecash du cryptographe David Chaum pourrait être considéré comme le premier projet de cryptomonnaie, voire de stablecoin privé.

Enfin, au vu de l’explication proposée ci-dessus s’agissant du stablecoin privé, on ne devrait accorder le terme de stablecoin, ou à tout le moins de « vrai » stablecoin qu’aux projets – ou déploiements déjà effectués – d’un moyen de paiement dématérialisé offrant 1) la preuve ou les garanties suffisantes d’une réserve financière au moins égale ou de préférence bien supérieure à 100% de la valeur nominale envisagée ou effectivement émise et 2) une créance contre leur émetteur à hauteur de 100% de cette même valeur.

Depierre/Lapinte/Morin/Reymond, Lexique de la blockchain, https://cdbf.ch/lexique/stablecoin/, 22 février 2024.
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